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Bac musique 2017, l'affaire Tailleferre, la fille d'opéra, la pauvre Eugénie, le bel ambitieux
Cette thématique est assez vaste, c’est pourquoi il est nécessaire d’y avoir les idées claires, à partir d’exemples précis tirés des oeuvres. Voici quelques suggestions.
(Cet article est en fait en cours d’élaboration et va évoluer au fil du temps).
Tout d’abord, quelques questions et leurs réponses.
Qui est Germaine Tailleferre ? Une compositrice française qui couvre la fin du 19eme et une grande partie du Xxeme siècle. (Ses dates : 1892-1983).
De quelle groupe célèbre a-telle fait partie ? Du groupe des 6. Ce groupe était composé avec elle de : Georges Auric, Francis Poulenc, Darius Milhaud, Arthur Honegger, Louis Durey.
Dans quel contexte ont été composés les quatre mini-opéras ? Pour la radio. Il s’agit en effet d’une commande de 4 opéras radiophoniques par l’ORTF.
En quelle année ? 1955
Quelle est la particularité stylistique de cette œuvre ? Chaque mini-opéra est écrit dans le style d’un compositeur. La fille d’opéra : dans le style de Rameau. Le bel ambitieux : dans le style de Rossini. La pauvre Eugénie : dans le style de Gustave Charpentier. Monsieur Petitpois achète un château : dans le style d’Offenbach.
Qui a écrit le livret de ces opéras ? Denise Centore, nièce de Germaine Tailleferre.
Concernant les arguments, Existe-t-il un lien entre les quatre mini opéras ? Non. Absolument aucun. Cependant, la mise en scène réalisée par Marie Eve Signeyrole réunit ces quatre pièces sous la forme d’un procès, quatre « affaires ».
Y a-t-il cependant une recherche d’unité musicale? Oui. Par exemple le motif de l’ouverture que l’on trouve dans le premier opéra se retrouve varié dans les deux suivants, servant également d’introduction. Il existe aussi des éléments thématiques que l’on peut retrouver d’un opéra à l’autre, mais cela est loin d’être évident ,demande analyse, et reste assez rare (Voir plus loin).
Citer d’autres œuvres de Germaine Tailleferre : les Mariés de la tour Eiffel (en collaboration avec le groupe des 6), Concertino pour harpe et orchestre.
Quelles sont les deux manières de chanter dans un opéra ? Le récitatif et l’air. Le récitatif est proche de la langue parlée alors que l’air est plus mélodique. Chez Mozart et tous les classiques par exemple, récitatifs et airs sont très différenciés. Ce clivage entre les deux manières est au coeur d’une problématique inhérente à toute l’histoire de l’opéra. Au 19eme siècle en effet, les compositeurs vont chercher à estomper la différence entre air et récitatif au profit d’une sorte de mélodie continue qui sera un compromis entre les deux. Dans la série des mini-opéras de Tailleferre, ce sera le troisième, La Pauvre Eugénie, qu’il faudra analyser dans cette optique. Il faut savoir également qu’il existe différents types de récitatifs tels que le récitatif « secco », très proche du parler, et le récitatif « arioso » plus mélodique.
Pour un commentaire des oeuvres.
La Fille d’opéra, dans le style de Rameau.
Oeuvre à rapprocher de la tragédie lyrique française.
Deux extraits significatifs:
Trio de la Bastille. Dans l’histoire ce trio est chanté alors que l’inspecteur veut embastiller Mistouflet. Ce trio fait intervenir l’inspecteur, Mistouflet et Pouponne.
Cette pièce écrite dans la sombre tonalité d’ut mineur fait référence au chant « Tristes apprêts » de la tragédie lyrique Castor et Pollux de Rameau.
Description du trio de la Bastille.
Tempo lent adapté au caractère de la lamentation, valeurs longues sur les mots importants, mélodie très lyrique et contenue. On trouve ici une basse obstinée dans l’esprit d’une chaconne ou d’une passacaille, danses à 3 temps basées sur le principe du thème et variations. Cette pièce pourrait aussi être une sarabande, autre danse lente à 3 temps.
Carrures de 8 mesures en deux périodes de 4. Très classique. Première carrure avec demi cadence, seconde avec cadence parfaite. Très classique également.
Lorsque chante l’inspecteur, il fait une ligne chromatique descendante. Les accords restent sensiblement les mêmes qu’au début, mais disposés différemment. Aussi sur deux carrures de 8 mesures.
La pièce se termine de manière polyphonique, les trois acteurs chantant en même temps tout d’abord sur des textes différents puis sur un texte identique. C’est Pouponne qui chante le thème.
Si l’on écoute l’air ‘Tristes apprêts » de Rameau on constate quelques différences : on n’est pas en ut mineur mais en mi bémol majeur. D’autre part cet air est un monologue et non un trio. Et il est écrit en mesure à 4 temps.
Forlane
Danse baroque en mesure ternaire basée sur une omniprésence du rythme de sicilienne. La forlane de Pouponne est à rapprocher d’une chanson populaire.
Tonalité de sol mineur.
Phrases chantées sur des carrures de 8 mesures (4 par strophe, les 3 et 4 avec modulation en ut mineur). Intro par contre de 6 mesures, qui donne à entendre le thème du chant.
Forme strophique. Chaque strophe est séparée de la suivante par une brève ritournelle de 2 mesures.
Pour comparaison, on peut écouter des forlanes de Couperin, Campra, Bach, Ravel..
Ecoutons également des extraits de tragédies lyriques de Lully.
La très belle passacaille « les plaisirs ont choisi pour asile » extrait d’Armide.
Voici le monologue d’Armide « Enfin il est en ma puissance »
Voici l’ouverture de Cadmus et Hermione, toujours de Lully, illustrant ce principe d’ouverture à la française.
Voici le finale de cette même oeuvre
GLOBALITE DE LA PIECE « LA FILLE D’OPERA »
Brève ouverture instrumentale sur un rythme « à la française ». (Rythme pointé). Si bémol majeur. Deux phrases de 4 mesures chacune, la première se terminant sur une demi-cadence, la seconde sur un Cadence parfaite. Le thème de cette ouverture se retrouvera par la suite de manière variée, en introduction aux deux opéras suivants. (Le bel ambitieux et la Belle Eugénie).
- Le duo qui suit est d’un esprit léger. Forme rondo. Fa majeur.
L’introduction donne le thème sur 8 mesures. Pouponne entonne donc ce thème très chantant. Les vents le doublent. Tout le morceau est basé sur des carrures de 8 mesures.
Deux périodes : Le financier (…) de t’aimer, est dit en fa majeur sur la phrase jouée au début par l’orchestre. Chiffre 1 : Et croyant (..) la félicité, module en do (si bécarre). Cette seconde phrase est reprise par les deux chanteurs de manière polyphonique et homorythmique.
Au chiffre 2 survient le refrain. En si bémol majeur. Chanté par les deux en homorythmie. Ce refrain se termine sur une cadence parfaite en si bémol. Le motif d’accompagnement du refrain passe en batteries de croches, pour ses quatre premières mesures.
Puis Mistouflet reprend le thème principal. Même construction.
L’orchestre conclut en reprenant la phrase du début.
- Trio. Pouponne, ses parents, Mistouflet.
Introduction de caractère champêtre jouée par l’orchestre. Fa majeur. (Référence probable, la chanson populaire « nous n’irons plus au bois »).
La mère reprend ce thème naïf mettant l’accent sur les notes de l’arpège de fa.
Le père chante sur des notes répétées avec un saut d’octave, doublé par les basses de l’orchestre.
Puis Pouponne entonne ce qui pourrait être un refrain, dans l’esprit donc d’une chanson populaire. (« Mon père, ma mère, (…) allez donc soigner vos boeufs »). L’orchestration est dans tout ce passage assez subtile. Doublure des voix, batteries de croches, accords..
La scène se termine en récitatif (sortez d’ici, manants..) Puis Pouponne conclut sur un élément qui pourrait être un mélange de l’ouverture (rythmes pointés) et du refrain de ce trio. Sol majeur. (« Mon père, ma mère, je suis bien votre servante »).
- Retour au duo du début, mais avec introduction en do majeur.
- Pouponne, Mistouflet, le bottier, le merlan.
Introduction en fanfare par l’orchestre en mode de fa transposé sur ré. Intervention de Mistouflet en récitatif suivie de la fanfare. Par la suite cette pièce va mêler deux duos : Pouponne et Mistouflet, le merlan et le bottier.
Le Bel ambitieux.
Ecrit dans le style de Rossini.
Deux extraits significatifs.
Duo d’amour Alphonse-Clémentine
Après avoir déclamé leur texte à la manière d’un mélodrame, Alphonse et Clémentine entament leur chant, prenant tour à tour la parole avant d’unir leur voix sur le texte « une divine harmonie ». Groupes de 5 croches aboutissant sur une appogiature longue très expressive. La tonalité est globalement la bémol majeur mais on va trouver des modulations assez surprenantes, héritage du romantisme.
Accompagnement en accords martelés en mesure ternaire. Tonalité majeure (La bémol). Commence sur la dominante mi bémol. Puis sur pédale de tonique la bémol.
Quelques doublures voix-orchestre.
Forme AABA’
Sur le B on va trouver un langage plus modulant. Tons éloignés du ton d’origine.
Au chiffre 4 reprise du thème avec les 2 voix. Contrepoint.
Pour ce qui concerne le texte, il y est question de souffrance, mais la musique accentue par une certaine surenchère un caractère comique qui fait que l’on n’y croit pas vraiment.
Pour comparaison : duo « oui c’est toi que j’aime » extrait de Faust de Gounod.
Trio valse
Trio numéro 6 : valse, autre danse de salon en vogue au 19eme. Forme rondo dans laquelle le refrain encadre les couplets de solistes. Trois textes différents en même temps sur ce refrain.
Matériau thématique : introduction avec glissades en octaves ascendantes, puis quartes, quintes et sixtes dans le refrain à la voix de Clémentine.
Ton de mi bémol.
Alphonse, Clémentine et la baron entonnent donc cette valse. Chacun au début chante sur un texte différent mais par la suite, ils se rejoignent tous sur le même texte.
Insistance sur le premier temps de la mesure. Rythme de valse donc très marqué.
Le thème principal commence sur un saut de quinte ascendant, chanté par la soprano.
Forme rondo. Le refrain à 3 voix les couplets à une voix (en ut mineur), chantés alternativement par les 2 voix masculines. De la même manière que pour le refrain, le couplet commence sur un saut ascendant de quinte. (Sol-ré).
Pour le refrain, écriture globalement homorythmique.
Dans cette valse, Tailleferre tourne en dérision la soif d’ambition des protagonistes.
Pour comparaison, on peut écouter la valse extraite de Faust de Gounod, ou bien Brindisi extrait de la Traviata de Verdi.
LA PAUVRE EUGENIE
Ecrit dans le style de Gustave Charpentier. Références en effet à son opéra naturaliste « Louise ».
La pauvre Eugénie est découpé en 5 tranches de vie qui s’enchaînent sans interruption. Pas de différence entre récitatif et air, ce qui est typique de l’opéra de la fin du 19eme et du début du 20eme siècle (voir les questions en première partie). L’opéra naturaliste recherche une action proche de la vie de tous les jours avec des personnages généralement issus des classes moyennes.
Carmen de Bizet pourrait appartenir à ce genre.
En Italie, un courant similaire au courant naturaliste va naître à la fin du 19eme siècle avec l’opéra vériste dont les plus grands chefs d’oeuvre sont Tosca ou la Bohême de Puccini. Dans son opéra Pagliacci, Le compositeur Leoncavallo expose dans son prologue une sorte de manifeste de l’opéra vériste. Un opéra donc plus proche du peuple et de la vie quotidienne.
Deux extraits significatifs.
Première tranche de vie.
Après une ouverture particulièrement tragique (reprenant en le variant le motif mélodique inhérent aux deux opéras précédents), début l’oeuvre dans un ton tragico-populaire.
Présence de silences dramatiques à l’orchestre, musique décousue calquée sur la déclamation du texte, caractère changeant de manière rapide et incessante. Le langage est très modulant avec des chromatismes, des trémolos.. La pulsation est imperceptible puisque calquée sur le rythme de la langue parlée.
La manière de chanter oscille ici entre récitatif et air, comme dit plus haut, faisant référence à Wagner, Bizet, Charpentier ou Debussy.
Cela va se traduire musicalement par des passages avec des notes répétées (chant recto tono) et de temps en temps un saut d’intervalle important pour souligner un mot.
Lorsque Eugénie raconte comment elle est tombée amoureuse, son chant va se situer davantage dans l’esprit d’un air. L’accompagnement est alors plus calme, plus posé. Ce passage fait directement référence à l’air Depuis le jour extrait de Louise de Charpentier.
On peut également écouter des extraits de Pelléas et Mélisande de Debussy, ou Tristan et Isolde de Wagner. Wagner est effet l’un des grands compositeurs d’opéra à l’origine de ce principe de mélodie continue.
Deuxième extrait : Cinquième tranche de vie.
Quatuor. Eugénie, Paule, Titine, Gégène.
Caractère fiévreux, trépidant. Pour l’histoire, tout le monde est scandalisé que Mme Phémie (rôle tenu par une voix d’homme) se fasse livrer un boa et mette Eugénie à la porte pour un morceau de saucisson (à l’ail).
Accompagnement en batteries de doubles croches alternant cordes et bois. Contrechant à prédominance chromatique joué par les bassons. Tonalité de ré mineur. Discours tendu et modulant.
Le chant est fait de nombreuses notes répétées (mélodies recto tonales) et certains mots sont mis en valeur par des sauts sur de plus grands intervalles. (C’est la VIE, c’est honTEUX).
Fin du passage à trois voix alors qu’Eugénie dit « C’est moi », sur deux voix homorythmiques de Titine et Paula.
Il s’ensuit le duo d’amour entre Eugénie et Gégène, dans le caractère d’une mélodie sentimentale en ré majeur, sur un accompagnement très posé en accords.
Le motif utilisé peut rappeler celui que nous entendions dans le bel ambitieux lors du duo « Tu souffres et je meurs », notamment par l’utilisation du rythme donnant à entendre un demi soupir suivi de 5 croches. Par la suite, Eugénie reprend ce thème, et le passage va s’achever par le duo.
Pour comparaison : Au secours! extrait de Carmen de Bizet.
Monsieur Petipois achète un château
Ecrit dans le style de Jacques Offenbach
Ouverture : répétée plusieurs fois sur texte déclamé. Cette ouverture bien dans le style de l’opérette est en ut majeur sur des harmonies assez simples. Ecriture verticale en accords martelés avec le thème au registre aigu. Au chiffre 1, un motif de basse typique. Le thème de cette ouverture sera repris dans les deux derniers choeurs ( numéro 7 : signez Monsieur Petitpois et numéro 8 final).
- Un joli hussard. Forme strophique avec refrain. Dans un esprit de marche militaire. Ton de si bémol Majeur. Ligne mélodique simple d’esprit militaire sur les notes de l’accord au début (fa sib ré). Accompagnement en accords martelés par l’orchestre auquel se rajoutent des motifs de type fanfare.
Le refrain est dit en mesure à deux temps, par les trois autres personnages dans un tempo plus rapide. Répétition humoristique de la syllabe « tan » du prénom Adelestan, bien dans l’esprit d’Offenbach.
- Valse tyrolienne. Début sur Veme degré. Introduction avec rythme de valse et arpèges dans l’aigu. Forme rondo également. Le refrain reprend vocalement les arpèges du début. Eloge de la moustache. Texte assez drôle et dérisoire, dans le style de certaines pages de Jacques Offenbach. (Voici le sabre, ah que j’aime les militaires, etc..). Cette valse ferait référence à la valse tyrolienne extraite de La Vie Parisienne.
Elément musical comique : les sixtes ascendantes jouées par les vents et notamment la clarinette.
- La galerie des ancêtres. Forme rondo. Mesure à 3 temps. Noter ici l’orchestration subtile qui donne à entendre des phrases assez drôles jouées par les vents. L’introduction instrumentale est basée sur les motifs du refrain. Thème principal très simple.
Le texte est ici marqué par l’utilisation de syllabes à l’effet comique, (d’avoir des an (z)an, d’avoir des ancêtres), bien dans le style humoristique de Jacques Offenbach qui aime lui aussi jouer sur les mots de cette manière. (Se référer aux couplets des rois de la Belle Hélène : « je suis l’époux de la reine, poux de la reine,.., le roi barbu qui s’avance, bu qui s’avance.. »).
Le refrain est dit par Petitpois tout d’abord, puis par le tutti, dans lequel Petitpois répète deux fois la même phrase. Le tempo est dans le refrain lui aussi accéléré.
4.Duo. Héloïse-Adelestan.
Duo d’amour d’opérette. Ton de la majeur, mesure ternaire à six-huit.
-Quatre mesures servent à l’introduction sur pédale de mi (Veme degré). Sur la mesure deux, un chromatisme.
-Le chant débute sur la levée de la mesure 5 sur un accompagnement posé en arpèges par les cordes. Ces arpèges vont être omniprésents tout a long de la pièce, mais ils seront enrichis de contrechants joués par les bois. Héloïse commence seule la première strophe. Harmonie simple, avec les degré 1, 5 et 4 tout d’abord. Puis mesure 9 survient une modulation en fa dièse mineur (par le mi dièse) qui va mener mesures 11 et 12 à une demi cadence reprenant le motif de l’introduction et correspondant à l’entrée vocale d’Adelestan.
-Chiffre 1, la seconde strophe est dite à deux voix, chacune chantant un texte différent.
-Au chiffre 2 en revanche, les deux voix chantent le même texte. L’accompagnement est ici enrichi. C’est la troisième apparition du thème principal.
-A partir de la mesure 31 commence une coda qui débute sur une marche harmonique.
-C’est l’orchestre qui conclut la pièce en reprenant en écho une variation du thème.
Voici maintenant quelques extraits d’oeuvres de Jacques Offenbach, parmi lesquels deux valses tyroliennes.