CONCERT DU TRIO RABATTI, pour deux guitares et violon. 27 SEPTEMBRE 2015 PRIEURE DU SAUVAGE
Thème du concert:
Les grands compositeurs et la musique pour guitare Bach, Sor, Berlioz, Paganini, Schubert, Bizet.
La guitare ne possède pas il est vrai de littérature équivalente à celle écrite pour le piano tout au long du 19eme siècle, son faible volume sonore la réservant plus aux salons intimistes qu’aux grandes salles de concert. Cependant l’instrument s’est considérablement développé durant la période romantique et de très nombreux compositeurs, dont des compositeurs majeurs, se sont consacrés à son étude et ont ainsi laissé un répertoire souvent méconnu mais non digne d’intérêt.
C’est d’ailleurs pendant ce beau 19eme siècle que l’instrument va acquérir la forme qu’on lui connaît aujourd’hui. L’acceptation universelle de la guitare à 6 cordes date également de cette époque. Les premiers grands virtuoses guitaristes voyageaient beaucoup, participant ainsi lors de concerts à la propagation d’un répertoire créé par eux au même titre que les compositeurs de musique pour piano.
Au cours du 19eme siècle, c’est à Vienne que la guitare put trouver l’élan dont elle avait besoin pour son renouveau. Des compositeurs virtuoses comme Simon Molitor ou Mauro Giuliani, italien d’origine purent ainsi imposer la guitare dans des salles de concert, la mêlant à des formations instrumentales comme des quatuors à cordes ou des orchestres.
Franz Schubert pratiquait l’instrument. Malheureusement peu d’oeuvres en témoignent, au regard de sa production pour le piano mais il composait souvent en s’aidant de la guitare. Ses « Danses originales » pour flûte ou violon et guitare font ainsi partie du programme donné par le trio Rabatti au Prieuré du Sauvage.
Il est impossible de présenter la guitare au 19eme siècle sans évoquer la figure emblématique de Fernando Sor. Son oeuvre est pour les guitaristes une sorte de bible, une somme de connaissances qui réunit inventivité mélodique et harmonique à une technicité qui fait encore aujourd’hui figure de référence. Deux oeuvres seront proposées, « La Romanesca » pour guitare et violon, ainsi que le duo « l’Encouragement ».
Niccolo Paganini, très connu pour ses qualités de violoniste virtuose qui a développé la technicité de son instrument à un niveau rarement surpassé, était également un excellent guitariste. Il a laissé une grande sonate pour guitare seule qui figure dans ce programme sous sa forme « avec accompagnement de violon ». Chose assez rare, c’est ici le violon qui sera simple soutient des prouesses techniques exigées dans la partie de guitare.
Hector Berlioz pratiquait également cet instrument et lui aussi s’en aidait pour composer. Son écriture reprend en effet nombre de formules d’accompagnement très fréquentes dans les pièces pour guitare. Le trio proposera donc des mélodies écrites à l’origine pour voix et piano ou voix et orchestre arrangées par P.E.Rabatti pour deux guitares et violon telle que « l’Origine de la harpe », et « Les champs ». Berlioz ne pratiquait pas le piano, et d’ailleurs il s’en félicitait. Outre la guitare, il jouait également du tambour et du flageolet. Lui-même a affirmé que cela pouvait être à l’origine de son goût prononcé pour les percussions et les vents.
Le trio proposera également une « suite Carmen », une succession de pièces inspirées par l’opéra de Bizet et dont la partie de violon a été composée au 19eme siècle par le virtuose Pablo Sarasate. La musique espagnole reste également incontournable lorsque l’on évoque la guitare, et ainsi la musique de Bizet/Sarasate peut aisément figurer dans le programme proposé quand on sait le caractère fortement hispanisant de la plupart des extraits de l’opéra Carmen. La suite Carmen servira à clore la programme de façon brillante.
Entre temps, le violon de Roxanne Rabatti aura fait vibrer le public avec la célèbre chaconne en ré mineur de J.S.Bach.
Programme du concert.
Chaconne en ré mineur pour violon seul. J.S.Bach.
Trois mélodies. L’origine de la harpe, aux champs, Villanelle. Hector Berlioz. Pour deux guitares et violon. Arrangé par Pascal Enzo Rabatti
La Romanesca pour guitare et violon et L’Encouragement pour deux guitares. Fernando Sor.
Cantabile et sonate pour guitare et violon. Niccolo Paganini.
Danses originales pour guitare et violon. Franz Schubert.
Carmen Fantaisie de Bizet/Saraste.
Cours donné dans le cadre des thématiques de classe de seconde à option musique.
Essai de synthèse.
Trois exemples ont été proposés pour illustrer la thématique. Une scène du film King Kong de 1933 (musique de Max Steiner), une scène du film Bird de Clint Eastwood (bande son faite de jazz Be-bop avec solos signés Charlie Parker), et un dessin animé de la série de courts métrages Tom et Jerry (musique de Scott Bradley).
Pour la scène de King Kong, (la tribu livre la jeune femme à Kong), jouée à une époque encore proche du cinéma muet, il va de soi que la musique va revêtir une importance capitale. Il s’agit en effet d’une scène où le dialogue est absent et dans laquelle seul va compter l’effet visuel. La musique de Steiner va donc chercher à renforcer les images en les illustrant de plusieurs manières.
Tout d’abord, la musique est là pour grossir les effets. Le thème tribal que l’on entend tout d’abord joué par les vents et en particulier les cuivres est à la fois diégétique (présence à l’image des percussions) et extra diégétique (présence hors champ d’un orchestre entier inconcevable bien entendu dans la situation). Ce thème est très rythmique, pesant et appuyé, en rapport avec la danse farouche qu’exécutent les membres de la tribu qui s’apprêtent à accomplir un rite païen, un sacrifice. Du point de vue de l’écriture, ce thème donne à entendre des notes tout d’abord descendantes très marquées, très accentuées, contrecarrées par un motif ascendant en arpèges, ce dernier motif menant à l’énoncé du thème associé à la jeune femme.
Voici donc ce premier thème:
Le second thème d’un caractère très différent est joué plutôt par les cordes. Il est globalement de courbe ascendante correspondant à l’état de panique psychologique dans lequel est plongée la protagoniste. Une succession en paliers de brèves phrases chromatiques dans un esprit de tension croissante, tant il est vrai qu’en musique, une montée vers l’aigu est souvent génératrice de tension. Ce thème de cordes peut ici être appelé leitmotiv, terme d’origine allemande désignant un motif musical associé à une idée, un sentiment, une action ou un personnage. C’est cette dernière association qu’il faut considérer ici. A chaque apparition à l’image de la jeune femme, on retrouve ce thème.
Voici donc pour pouvoir écouter ce thème indépendamment du reste:
Le principe du leitmotiv n’est bien entendu pas nouveau. Il a été durant le 19eme siècle extrêmement utilisé dans le domaine de l’opéra, par des compositeurs comme Georges Bizet ou Richard Wagner. L’illustration de l’image par ce procédé de leitmotiv correspond à une illustration en profondeur , une mise en relief qui nécessite pour sa perception consciente un bon niveau d’écoute de la part du spectateur. Le thème tribal se situe davantage dans le domaine du premier degré. Il est plus aisément perceptible, ainsi que certaine autres illustrations telles que l’ascension ou la descente des marches, que la musique accompagne de montées ou de descentes chromatiques, ou encore l’arrivée de Kong, bien marquée par de gros accords en crescendo appuyés de notes tenues de trombones joués par l’orchestre.
Le rapport musique-image se situe dans cette scène entre l’illustration purement figurative et l’illustration psychologique, dans une corrélation finalement assez complexe.
Intéressante est la manière avec laquelle Max Steiner mêle ses deux thèmes de façon à bien montrer comment ces personnages se trouvent unis dans cette scène, ceci à la manière des grands compositeurs classiques qui dans leurs œuvres donnent en général à entendre plusieurs thèmes de caractère différent qui s’entremêlent et s’influencent mutuellement. (Ecouter les symphonies de Mozart ou de Beethoven par exemple). Dans la musique de Steiner, les deux thèmes sont alternés mais parfois ils se mélangent, dans un travail d’écriture de dimension symphonique. Max Steiner (1888-1971) connaît la musique. Il est à l’origine un compositeur autrichien né à Vienne qui a reçu l’enseignement de Gustav Mahler et de Johannes Brahms. Il a émigré aux Etats-Unis en 1914 où il a travaillé comme chef d’orchestre et arrangeur à New York. La musique de King Kong a véritablement lancé sa carrière, et il a par la suite signé les musiques de films cultes tels que Casablanca ou Autant en emporte le vent.
Voici cette musique magnifique. La scène du sacrifice qui a été commentée se trouve ici à 11 minutes et 15 secondes.
Dans la scène du film Bird, le rapport musique-image est un peu différent. Tout d’abord, il s’agit d’un film dont le sujet principal est la musique. (A la fin d’ailleurs, Clint Eastwood dédie son film à tous les musiciens).
Ici le dialogue est prépondérant. La scène débute par une conversation entre Charlie Parker et un inconnu (on saura par la suite qu’il s’agit du trompettiste Red Rodney) avec un fond sonore que l’on pourrait croire extra-diégétique, mais on ne tarde pas à s’apercevoir que cette musique est diégétique puisqu’elle sort du bar qui se trouve à coté alors que Bird sous l’emprise de la drogue est en train de monter son saxophone. Ici elle est juste hors champ.
L’entrée des deux hommes dans le bar est marquée par la musique plus forte, qui entre alors dans le champ. La porte se referme et nous pénétrons dans le lieu. Parker (incarné ici par l’excellent Forest Whitaker), joue tout d’abord hors de la scène. Il joue « out » pour préparer son entrée, comme s’il chauffait son instrument. Au moment de la cadence, il entre en scène et attaque un chorus endiablé, sous les applaudissements. D’un point de vue scénique, tout est fait pour que cette entrée soit la plus théâtrale possible. Ici, le spectateur doit être subjugué, et cela fonctionne.
Après un fondu enchaîné, on va changer totalement d’univers pour se retrouver le matin dans une chambre dans laquelle Bird et une jeune femme sont en train d’écouter un extrait de l’Oiseau de feu d’Igor Stravinsky. La musique est ici diégétique. L’intérêt du choix de l’extrait est très grand. Eastwood choisi ici l’un des moments les plus mélodiques de l’oeuvre, la Ronde des princesses, pour que la rupture avec la scène précédente soit maximale. (Il existe en effet dans l’oiseau de feu des moments extrêmement puissants et rythmiques qui ici n’auraient pas convenu à l’effet cinématographique voulu).
Après un dialogue (Lui :..Je parle de Stravinsky. Elle : moi aussi, nous allons chez le même dentiste.) , nous nous retrouvons en voiture sur le chemin du domicile de Stravinsky. Bird finit par sonner à la porte pour apercevoir le musicien. On entend à ce moment là l’extrait de l’Oiseau de feu en hors champ, qui correspond à l’état psychologique de Bird. En effet, le spectateur entend cette musique alors que Bird l’entend vraisemblablement dans sa tête. Le moment où apparaît Stravinsky est marqué par la musique en crescendo. La porte se referme et on entend alors une petite phrase de saxophone extra-diégétique qui semble rappeler que Parker est avant tout jazzman.
La musique semble ici mettre l’accent sur deux mondes inconciliables, vie bohème et confort bourgeois d’un musicien installé (« comment avoir une maison comme celle là » dit Bird à la fin de la scène). Il faut savoir cependant qu’Igor Stravinsky adorait le jazz et que ce style l’a même influencé dans certaines de ses œuvres. (Ebony concerto pour orchestre d’instruments à vent ou une pièce intitulée Ragtime, par exemple). Charlie Parker et Stravinsky se sont d’ailleurs rencontrés brièvement à plusieurs reprises. A la sortie du film Bird, Chan Parker, épouse du musicien racontait que son mari était tellement impressionné qu’il arrivait à peine à s’exprimer.
En ce qui concerne le court métrage de la série Tom et Jerry, on peut dire que la musique illustre l’action au premier degré avec parfois des subtilités que seule une analyse approfondie peut mettre en valeur.
La musique qui accompagne l’image est ici très narrative, avec une dominante jazzy et parfois des allusions à la comédie musicale, à la musique classique et à des thèmes préexistants. Elle utilise de très nombreux bruitages et effets instrumentaux (cuivres avec sourdines, glissando de trombone, pizzicati de cordes, bruits divers) ainsi qu’une très grande virtuosité de la part des instrumentistes (phrases très rapides de cordes et de xylophone lors des poursuites par exemple), tout ceci pour renforcer les effets comiques.
L’orchestration est ici extrêmement variée, ainsi que les tempi et la thématique, ceci en fonction des gags qui s’enchaînent. On passe en effet très facilement d’une orchestration très fournie à un instrument soliste, d’un tempo très alerte à un tempo lent, etc.. Ecoutons pour nous en rendre compte le John Wilson Orchestra qui interprète cette musique.
Dans l’extrait proposé est jouée une mélodie de berceuse qui apparaît plusieurs fois lors de la séquence. (Cette même mélodie est d’autre part souvent utilisée dans les dessins animés de cette période). Ce thème est au début suggéré par la clarinette puis par les cordes, au moment où une petite fille quelque peu cruelle joue avec le chat Tom en le considérant comme son enfant. Il apparaitra ensuite de manière diégétique, dans le champ, au moment ou la souris pose sur le lecteur un disque contenant cette musique. Les variations sur le thème de la berceuse correspondent à une subtilité d’écriture qui situe le rapport musique-image loin de l’illustration sonore au premier degré, et qui peut se rapprocher du thème de la jeune femme sacrifiée dans King Kong.
Entre diégèse et extra-diégèse, on trouve ici aussi de nombreux exemples parlants extrêmement faciles à percevoir. (Le tourne disque, les moustaches de Tom utilisées comme des cordes de guitare, etc..).
Dans le dessin animé enfin, une très grande importance est donnée aux mouvements, le rythme et le tempo des différentes musiques étant souvent calés sur les déplacements des protagonistes. (Marches, poursuites, statisme, etc..). Là aussi la perception du rapport musique-image est immédiate.
L’illustration sonore au cinéma est un domaine très vaste, qui a changé en fonction des époques et des styles mais de nombreux procédés restent les mêmes. Voici pour résumer différents moyens mis en œuvre par les auteurs de bande son.
– Effets instrumentaux. Orchestration.
-Thème. Leitmotiv.
– Ecriture. Variations sur thèmes.
– Bruitages.
– Rythme. Tempo.
– Changements de climats. Renforcement de l’action (poursuite, suspense, mouvement, etc..).
Liste non exhaustive
Actuellement de nombreuses super-productions (Pirates des Caraïbes, Le Seigneur des anneaux, Exodus, par exemple) ont opté pour une musique continue, un discours fleuve dans lequel apparaissent régulièrement des thèmes leitmotiv.
Certains films optent pour une absence presque totale de musique pendant l’action. (The Lunch Box, film indien de Ritesn Batra). Cet exemple mérite d’être signalé car il reste rare.
Depuis le pianiste qui joue en continu durant la projection d’un film muet à nos jours, la musique au cinéma a été l’objet d’une évolution qui a permis aux compositeurs qui s’y sont consacrés de produire de nombreux chefs d’oeuvre. Certaines œuvres ont même pu être extraites de leur contexte cinématographique pour devenir des pièces de concert (Mission, de Morricone), mais en général les musiques pensées pour l’illustration de l’image restent indissociables de celle ci.
Genre important dans l’histoire de la musique dite classique, le concerto pour instrument soliste et orchestre naît au 17eme siècle pour s’épanouir durant le 18eme siècle et trouver une sorte d’apogée au 19eme. De nos jours il arrive que l’on compose encore des pièces de ce genre même si cela reste relativement rare. (Concerto pour violon de Mantovani par exemple).
Pendant l’ère romantique, le concerto pour piano permet à des compositeurs interprètes de leurs propres œuvres de se mettre en valeur, ceci notamment grâce au perfectionnement de l’instrument qui leur permet de jouer dans des salles de plus en plus grandes et donc des publics de plus en plus fournis. Parmi ces virtuoses, les plus célèbres seront Franz Liszt et Frédéric Chopin.
Petite histoire du piano. (A ses débuts appelé piano-forte)
Né au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles, de l’atelier du facteur italien Bartolomeo Cristofari, le piano devient rapidement l’instrument-roi du XIXe siècle.
Sa facture n’a cessé d’évoluer afin de répondre aux besoins de puissance de son et de rapidité d’exécution exprimés par des pianistes de plus en plus virtuoses.
La pratique du piano, réservée au XVIIIe siècle à une élite aristocratique, se démocratise tout au long du siècle suivant. L’instrument orne les salons bourgeois et il est enseigné aux jeunes filles de bonnes familles.
Au XXe siècle, il offre aux compositeurs un moyen d’échapper à la tonalité pour développer d’autres langages musicaux.
La période entre 1830 et 1850 constitue l’âge d’or de la facture de piano en France. Celle-ci n’importe plus ses pianos d’Angleterre mais en produit et en exporte. Paris devient l’un des grands centres de la facture de pianos.
Sur les sept grand noms de facteurs français, trois dominent, tous parisiens : Erard, Pleyel, Pape.
En Allemagne, les grandes marques seront Bösendorfer et Steinway. Actuellement ce sont les modèles grand concert de Steinway and sons qui équipent les salles les plus prestigieuses.
La maison Erard s’impose par ses grands pianos à queue. Sébastien Erard met au point, entre 1820 et 1823, le piano à double échappement. Cette invention, qui permet une plus grande rapidité de jeu, place la maison Erard au premier plan des facteurs européens jusqu’au milieu du XIXe siècle.
En 1807, Ignace Pleyel fonde une manufacture de pianos et de harpes qui s’impose très vite comme la grande rivale d’Erard. Associé à son fils Camille (1788-1855) à partir de 1815, puis avec le célèbre Karlbrenner, il équipe ses instruments dès 1826 d’un cadre en fer et d’un sommier à pointes de cuivre, mais il reste fidèle à la mécanique à échappement simple.
Deux exemples de concerto pour piano et orchestre.
Tout d’abord le concerto numéro 23 en la majeur de Mozart.
Cette œuvre fut composée en 1786. Le compositeur est alors en pleine maturité. (Il décède en 1791).
Ce concerto est écrit suivant le schéma classique de trois mouvements bien distincts, le premier rapide, le second lent, et le troisième rapide tout comme le premier. Il faut savoir que la plupart des concertos pour soliste et orchestre obéissent à ce principe. Le mouvement lent du 23eme concerto fait partie des œuvres les plus connues de Mozart. Il a été notamment utilisé au cinéma. (ex: L’Incompris réalisé par Comencini ou Le nouveau monde de Terrence Malick)
A l’origine cette œuvre est écrite pour piano-forte (l’ancêtre du piano actuel) accompagné par un orchestre à cordes, deux clarinettes, deux bassons, deux cors et un flûte. De nos jours l’oeuvre est jouée sur des pianos bien entendu modernes accompagnés par un orchestre symphonique réduit. Certains interprètes ont tenté de retrouver les sonorités de l’époque de Mozart en l’interprétant sur un piano-forte.
Le 23eme concerto, œuvre dans l’ensemble lumineuse démarre dans son premier mouvement en une forme sonate qui permet au compositeur d’exposer ses deux thèmes à l’orchestre avant de les reprendre au piano. Le dialogue soliste orchestre qui suivra permettra le développement de ces thèmes. On sent en écoutant l’oeuvre que l’opéra n’est pas loin. Il arrive au détour d’une page que l’on s’attende à voir surgir un personnage. Il faut savoir que ce concerto a été composé par Mozart la même année que l’un de ses plus célèbres opéras, « Les Noces de Figaro ». Cela se ressent donc forcément dans son écriture purement instrumentale.
Voici quelques exemples en partition et en document audio.
Tout d’abord le thème A du premier mouvement de ce concerto. .
Les annotations sur la partition permettront de suivre les caractéristiques de l’écriture.
Voici maintenant le thème B
On ne peut ici qu’admirer la science de l’écriture alliée à une prodigieuse invention mélodique.
Comme il a été dit plus haut, l’opéra n’est jamais loin.
Par la suite, le piano reprendra donc ces deux thèmes que Mozart développera dans son dialogue soliste-orchestre.
Voici tout d’abord le thème A lors de l’entrée du soliste
On remarque bien entendu que le piano est obligé de « remplir ». Mozart rajoute donc une basse d’Alberti, des arpèges et des gammes.
Voici maintenant le thème B, repris par le piano dans le ton de la dominante.
Lors du développement l’on pourra entendre des passage absolument merveilleux issus de cette exposition. Mozart donnera même un troisième thème. Ne pas hésiter donc à écouter ce concerto dans son intégralité. Le mouvement lent fait partie des pages les plus bouleversantes écrites par Mozart. Le dernier mouvement est d’une très grande vitalité.
Quelques questions et leurs réponses.
Qu’est-ce qu’un concerto ? Une œuvre musicale donnant lieu à un dialogue entre un instrument soliste et un orchestre. Il arrive qu’un concerto n’aie pas d’instrument soliste. C’est le cas pour les concertos Brandebourgeois de J.S.Bach. Cela reste cependant rare. Le terme concerto vient du verbe concerter (en italien concertare) qui correspond bien à cette idée de dialogue.
A quelle époque nait le genre ? Au 17eme siècle. Ce genre est lié en grande partie à l’évolution de la facture et à l’émancipation de la musique instrumentale. Grâce notamment à l’avènement de l’opéra apparaissent les premiers orchestres. Les « sinfonias », sortes d’intermèdes instrumentaux joués lors des opéras seront les prémices des genres que l’on a appelé par la suite symphonie et concerto.
Qu’est-ce qu’une forme sonate ? Une forme très utilisée par les compositeurs germaniques au 18eme siècle qui consiste à exposer plusieurs thèmes de caractère différent (généralement 2) puis à développer ces thèmes avant de les réexposer de manière non textuelle. La forme sonate va perdurer pendant le 19eme siècle et même pendant le 20eme. Le concerto pour la main gauche de Ravel est écrit suivant ce principe.
Qu’est-ce qu’une cadence dans un concerto ? Un moment durant lequel l’orchestre s’arrête pour laisser place au soliste. C’est généralement là que le soliste doit donner la preuve de sa virtuosité. A l’époque de Mozart, les cadences étaient improvisées, le compositeur étant souvent le soliste. Au 19eme siècle avec Beethoven, les cadences seront écrites. Beethoven a d’ailleurs composé des cadences pour les concertos de Mozart.
Deuxième exemple : le concerto pour la main gauche de Maurice Ravel
Ici, changement d’univers. Une analyse très détaillée de ce concerto est proposée sur ce site. En voici tout de même un résumé.
Dans sa conception, le concerto pour la main gauche est une œuvre atypique puisqu’écrite en un seul mouvement.
Le concerto pour la main gauche est une oeuvre tourmentée, mouvante, tout en contrastes qui allie la noirceur à une lumière souvent blafarde et qui correspond à une époque où le monde s’apprête à replonger dans le désastre, à l’orée des années 30. Cette oeuvre est en effet composée entre 1929 et 1931. Ravel avait été profondément marqué par la guerre de 14-18 et cela s’est ressenti dans certaines de ses oeuvres dont ce concerto.
Tout débute par ce premier thème exposé dans les ténèbres de l’orchestre. Sur un motif tournant joué par les contrebasses sur les cordes à vide, il apparait au contrebasson. Après l’introduction orchestrale, en crescendo avec montée vers l’aigu, ce thème sera rejoué, appaisé, par le piano, lors de la cadence qui suit l’introduction d’orchestre.
Le second thème joué par les cors est exposé également dès le début de l’oeuvre. En effet, il succède immédiatement au premier, amenant un peu de couleur dans cette noirceur initiale. Ce passage pourrait évoquer la naissance du monde. Mais un monde quelque peu inquiétant. La suite de l’oeuvre confirmera ces éléments joués lors de l’exposition.
Après la première cadence de piano, l’orchestre reprend le premier thème en tutti. Moment grandiose qui se terminera quelques instants plus tard avec un rythme de Habanera (cher à Ravel) suivi d’un decrescendo.
Troisième idée. Ce troisième thème d’une infinie douceur est joué par le piano. Il faut ici admirer la science de l’écriture. On entend en effet un contrepoint dans lequel deux voix sont savamment entremêlées dans les cinq doigts de la main gauche de manière à donner réellement l’illusion que jouent les deux mains du soliste. Ce thème est amené par un changement de climat, du majeur au mineur, lors du passage orchestral qui le précède. Economie de moyen d’une très grande efficacité et d’une très grande expressivité. En une seconde à peine, la musique bascule et change d’univers.
Ce moment de calme, de respiration sera interrompu par une redite du premier thème, répété de manière inexorable en paliers ascendants. Ascension irrésistible vers un des climax de l’oeuvre qui va faire chuter de manière très brutale la musique dans le passage central, sorte de jazz démoniaque qui va donner lieu à une sorte de lutte entre le soliste et tout l’orchestre. Ce passage, non dénué d’humour (humour souvent grinçant typiquement ravélien) donne à entendre un soliste dans l’esprit d’une improvisation qui répond à des interventions d’orchestre en gammes descendantes. Au milieu de cette noirceur, de manière très surprenante survient un passage léger, presque enfantin, une sorte de boîte à musique dans laquelle le piccolo tient la partie principale. Puis c’est le retour au jazz. Le basson soliste reprend à son compte le thème B. Ce thème va se trouver répété lui aussi avec à chaque reprise un rajout d’instruments. Passage de plus en plus monstrueux, dissonant, mêlant en un tutti démoniaque le soliste et l’orchestre. Ce moment sera brusquement interrompu par le retour de la boîte à musique. Ravel brise ainsi une musique mécanique en la remplaçant par une autre, tout aussi mécanique mais de caractère radicalement différent.
Puis l’orchestre entame sa dernière ascension. Un motif répété de plus en plus fort qui va donner lieu pour finir à une sorte de désagrégation, une chute vers le grave qui amène l’oeuvre à la dernière cadence du soliste.
Cette cadence, l’un des plus beaux solos de piano jamais écrits, va être une sorte de récapitulation de tout ce qui a été dit précédemment, hormis le passage central. En effet, les trois thèmes vont se trouver successivement réexposés par le piano. Cela commence par le second thème, puis le troisième, et enfin le premier, qui par paliers ascendants va mener à la fin de l’oeuvre, par le biais d’un retour au second thème, une sorte de rappel du début alors qu’il était joué par les cors. Dans une telle œuvre, rien n’est laissé au hasard et une idée exposée à un moment donné réapparaîtra forcément à un autre moment.
Peu à peu, comme il avait disparu, l’orchestre se reconstitue. De nouveau, comme un dernier soubresaut, la musique va monter vers un climax puis en quelques secondes se terminer par le jazz central, sorte de coda qui amène le tutti en une dernière vision démoniaque à l’accord final. Nous sommes ici dans l’esprit de la fin du boléro du même auteur, musique dans laquelle on se dirige de manière inéluctable vers le chaos final. Il en est de même pour une autre œuvre du compositeur, La Valse.
Mozart et Ravel. Deux univers musicaux différents pour deux époques différentes. Du classicisme à la période moderne, le genre du concerto pour piano permet bien d’appréhender deux visions du monde à travers deux manières de concevoir l’écriture musicale. Pourtant des points communs subsistent, le principal étant l’utilisation de la forme sonate comme principe de composition. L’idée perdure à travers les ages, cette idée qui consiste en la rencontre de deux voire trois thèmes, trois entités qui se confrontent, se mélangent pour donner lieu à une œuvre. Ravel reprend à son compte ces schémas classiques pour les accommoder à sa manière moderne.
Comme tout compositeur, Ravel vénérait Mozart. Il a d’ailleurs prétendu s’être aidé de son quintette avec clarinette pour composer le second mouvement de son autre concerto pour piano (à deux mains celui là), le concerto en sol, autre œuvre incontournable de la période moderne.
Les époques passent, mais les genres et les structures perdurent. Les formes classiques (forme sonate, forme ABA, forme rondeau, etc..) restent des cadres dans lesquels peut se couler l’inspiration des musiciens. Peu d’entre eux ont écrit sans système. Certain ont révolutionné le langage en désagrégeant ces formes, d’autres s’y sont maintenus. Ravel fait partie de ces derniers.
Il existe sur ce même site une analyse très détaillée du concerto pour la main gauche. Il ne faut pas hésiter à aller la consulter.