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concerto numéro 23 de Mozart, concerto pour la main gauche, le concerto pour piano et orchestre
Le concerto pour piano et orchestre.
Genre important dans l’histoire de la musique dite classique, le concerto pour instrument soliste et orchestre naît au 17eme siècle pour s’épanouir durant le 18eme siècle et trouver une sorte d’apogée au 19eme. De nos jours il arrive que l’on compose encore des pièces de ce genre même si cela reste relativement rare. (Concerto pour violon de Mantovani par exemple).
Pendant l’ère romantique, le concerto pour piano permet à des compositeurs interprètes de leurs propres œuvres de se mettre en valeur, ceci notamment grâce au perfectionnement de l’instrument qui leur permet de jouer dans des salles de plus en plus grandes et donc des publics de plus en plus fournis. Parmi ces virtuoses, les plus célèbres seront Franz Liszt et Frédéric Chopin.
Petite histoire du piano. (A ses débuts appelé piano-forte)
Né au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles, de l’atelier du facteur italien Bartolomeo Cristofari, le piano devient rapidement l’instrument-roi du XIXe siècle.
Sa facture n’a cessé d’évoluer afin de répondre aux besoins de puissance de son et de rapidité d’exécution exprimés par des pianistes de plus en plus virtuoses.
La pratique du piano, réservée au XVIIIe siècle à une élite aristocratique, se démocratise tout au long du siècle suivant. L’instrument orne les salons bourgeois et il est enseigné aux jeunes filles de bonnes familles.
Au XXe siècle, il offre aux compositeurs un moyen d’échapper à la tonalité pour développer d’autres langages musicaux.
La période entre 1830 et 1850 constitue l’âge d’or de la facture de piano en France. Celle-ci n’importe plus ses pianos d’Angleterre mais en produit et en exporte. Paris devient l’un des grands centres de la facture de pianos.
Sur les sept grand noms de facteurs français, trois dominent, tous parisiens : Erard, Pleyel, Pape.
En Allemagne, les grandes marques seront Bösendorfer et Steinway. Actuellement ce sont les modèles grand concert de Steinway and sons qui équipent les salles les plus prestigieuses.
La maison Erard s’impose par ses grands pianos à queue. Sébastien Erard met au point, entre 1820 et 1823, le piano à double échappement. Cette invention, qui permet une plus grande rapidité de jeu, place la maison Erard au premier plan des facteurs européens jusqu’au milieu du XIXe siècle.
En 1807, Ignace Pleyel fonde une manufacture de pianos et de harpes qui s’impose très vite comme la grande rivale d’Erard. Associé à son fils Camille (1788-1855) à partir de 1815, puis avec le célèbre Karlbrenner, il équipe ses instruments dès 1826 d’un cadre en fer et d’un sommier à pointes de cuivre, mais il reste fidèle à la mécanique à échappement simple.
Deux exemples de concerto pour piano et orchestre.
Tout d’abord le concerto numéro 23 en la majeur de Mozart.
Cette œuvre fut composée en 1786. Le compositeur est alors en pleine maturité. (Il décède en 1791).
Ce concerto est écrit suivant le schéma classique de trois mouvements bien distincts, le premier rapide, le second lent, et le troisième rapide tout comme le premier. Il faut savoir que la plupart des concertos pour soliste et orchestre obéissent à ce principe. Le mouvement lent du 23eme concerto fait partie des œuvres les plus connues de Mozart. Il a été notamment utilisé au cinéma. (ex: L’Incompris réalisé par Comencini ou Le nouveau monde de Terrence Malick)
A l’origine cette œuvre est écrite pour piano-forte (l’ancêtre du piano actuel) accompagné par un orchestre à cordes, deux clarinettes, deux bassons, deux cors et un flûte. De nos jours l’oeuvre est jouée sur des pianos bien entendu modernes accompagnés par un orchestre symphonique réduit. Certains interprètes ont tenté de retrouver les sonorités de l’époque de Mozart en l’interprétant sur un piano-forte.
Le 23eme concerto, œuvre dans l’ensemble lumineuse démarre dans son premier mouvement en une forme sonate qui permet au compositeur d’exposer ses deux thèmes à l’orchestre avant de les reprendre au piano. Le dialogue soliste orchestre qui suivra permettra le développement de ces thèmes. On sent en écoutant l’oeuvre que l’opéra n’est pas loin. Il arrive au détour d’une page que l’on s’attende à voir surgir un personnage. Il faut savoir que ce concerto a été composé par Mozart la même année que l’un de ses plus célèbres opéras, « Les Noces de Figaro ». Cela se ressent donc forcément dans son écriture purement instrumentale.
Voici quelques exemples en partition et en document audio.
Tout d’abord le thème A du premier mouvement de ce concerto. .
Les annotations sur la partition permettront de suivre les caractéristiques de l’écriture.
Voici maintenant le thème B
On ne peut ici qu’admirer la science de l’écriture alliée à une prodigieuse invention mélodique.
Comme il a été dit plus haut, l’opéra n’est jamais loin.
Par la suite, le piano reprendra donc ces deux thèmes que Mozart développera dans son dialogue soliste-orchestre.
Voici tout d’abord le thème A lors de l’entrée du soliste
On remarque bien entendu que le piano est obligé de « remplir ». Mozart rajoute donc une basse d’Alberti, des arpèges et des gammes.
Voici maintenant le thème B, repris par le piano dans le ton de la dominante.
Lors du développement l’on pourra entendre des passage absolument merveilleux issus de cette exposition. Mozart donnera même un troisième thème. Ne pas hésiter donc à écouter ce concerto dans son intégralité. Le mouvement lent fait partie des pages les plus bouleversantes écrites par Mozart. Le dernier mouvement est d’une très grande vitalité.
Quelques questions et leurs réponses.
Qu’est-ce qu’un concerto ? Une œuvre musicale donnant lieu à un dialogue entre un instrument soliste et un orchestre. Il arrive qu’un concerto n’aie pas d’instrument soliste. C’est le cas pour les concertos Brandebourgeois de J.S.Bach. Cela reste cependant rare. Le terme concerto vient du verbe concerter (en italien concertare) qui correspond bien à cette idée de dialogue.
A quelle époque nait le genre ? Au 17eme siècle. Ce genre est lié en grande partie à l’évolution de la facture et à l’émancipation de la musique instrumentale. Grâce notamment à l’avènement de l’opéra apparaissent les premiers orchestres. Les « sinfonias », sortes d’intermèdes instrumentaux joués lors des opéras seront les prémices des genres que l’on a appelé par la suite symphonie et concerto.
Qu’est-ce qu’une forme sonate ? Une forme très utilisée par les compositeurs germaniques au 18eme siècle qui consiste à exposer plusieurs thèmes de caractère différent (généralement 2) puis à développer ces thèmes avant de les réexposer de manière non textuelle. La forme sonate va perdurer pendant le 19eme siècle et même pendant le 20eme. Le concerto pour la main gauche de Ravel est écrit suivant ce principe.
Qu’est-ce qu’une cadence dans un concerto ? Un moment durant lequel l’orchestre s’arrête pour laisser place au soliste. C’est généralement là que le soliste doit donner la preuve de sa virtuosité. A l’époque de Mozart, les cadences étaient improvisées, le compositeur étant souvent le soliste. Au 19eme siècle avec Beethoven, les cadences seront écrites. Beethoven a d’ailleurs composé des cadences pour les concertos de Mozart.
Deuxième exemple : le concerto pour la main gauche de Maurice Ravel
Ici, changement d’univers. Une analyse très détaillée de ce concerto est proposée sur ce site. En voici tout de même un résumé.
Dans sa conception, le concerto pour la main gauche est une œuvre atypique puisqu’écrite en un seul mouvement.
Le concerto pour la main gauche est une oeuvre tourmentée, mouvante, tout en contrastes qui allie la noirceur à une lumière souvent blafarde et qui correspond à une époque où le monde s’apprête à replonger dans le désastre, à l’orée des années 30. Cette oeuvre est en effet composée entre 1929 et 1931. Ravel avait été profondément marqué par la guerre de 14-18 et cela s’est ressenti dans certaines de ses oeuvres dont ce concerto.
Tout débute par ce premier thème exposé dans les ténèbres de l’orchestre. Sur un motif tournant joué par les contrebasses sur les cordes à vide, il apparait au contrebasson. Après l’introduction orchestrale, en crescendo avec montée vers l’aigu, ce thème sera rejoué, appaisé, par le piano, lors de la cadence qui suit l’introduction d’orchestre.
Le second thème joué par les cors est exposé également dès le début de l’oeuvre. En effet, il succède immédiatement au premier, amenant un peu de couleur dans cette noirceur initiale. Ce passage pourrait évoquer la naissance du monde. Mais un monde quelque peu inquiétant. La suite de l’oeuvre confirmera ces éléments joués lors de l’exposition.
Après la première cadence de piano, l’orchestre reprend le premier thème en tutti. Moment grandiose qui se terminera quelques instants plus tard avec un rythme de Habanera (cher à Ravel) suivi d’un decrescendo.
Troisième idée. Ce troisième thème d’une infinie douceur est joué par le piano. Il faut ici admirer la science de l’écriture. On entend en effet un contrepoint dans lequel deux voix sont savamment entremêlées dans les cinq doigts de la main gauche de manière à donner réellement l’illusion que jouent les deux mains du soliste. Ce thème est amené par un changement de climat, du majeur au mineur, lors du passage orchestral qui le précède. Economie de moyen d’une très grande efficacité et d’une très grande expressivité. En une seconde à peine, la musique bascule et change d’univers.
Ce moment de calme, de respiration sera interrompu par une redite du premier thème, répété de manière inexorable en paliers ascendants. Ascension irrésistible vers un des climax de l’oeuvre qui va faire chuter de manière très brutale la musique dans le passage central, sorte de jazz démoniaque qui va donner lieu à une sorte de lutte entre le soliste et tout l’orchestre. Ce passage, non dénué d’humour (humour souvent grinçant typiquement ravélien) donne à entendre un soliste dans l’esprit d’une improvisation qui répond à des interventions d’orchestre en gammes descendantes. Au milieu de cette noirceur, de manière très surprenante survient un passage léger, presque enfantin, une sorte de boîte à musique dans laquelle le piccolo tient la partie principale. Puis c’est le retour au jazz. Le basson soliste reprend à son compte le thème B. Ce thème va se trouver répété lui aussi avec à chaque reprise un rajout d’instruments. Passage de plus en plus monstrueux, dissonant, mêlant en un tutti démoniaque le soliste et l’orchestre. Ce moment sera brusquement interrompu par le retour de la boîte à musique. Ravel brise ainsi une musique mécanique en la remplaçant par une autre, tout aussi mécanique mais de caractère radicalement différent.
Puis l’orchestre entame sa dernière ascension. Un motif répété de plus en plus fort qui va donner lieu pour finir à une sorte de désagrégation, une chute vers le grave qui amène l’oeuvre à la dernière cadence du soliste.
Cette cadence, l’un des plus beaux solos de piano jamais écrits, va être une sorte de récapitulation de tout ce qui a été dit précédemment, hormis le passage central. En effet, les trois thèmes vont se trouver successivement réexposés par le piano. Cela commence par le second thème, puis le troisième, et enfin le premier, qui par paliers ascendants va mener à la fin de l’oeuvre, par le biais d’un retour au second thème, une sorte de rappel du début alors qu’il était joué par les cors. Dans une telle œuvre, rien n’est laissé au hasard et une idée exposée à un moment donné réapparaîtra forcément à un autre moment.
Peu à peu, comme il avait disparu, l’orchestre se reconstitue. De nouveau, comme un dernier soubresaut, la musique va monter vers un climax puis en quelques secondes se terminer par le jazz central, sorte de coda qui amène le tutti en une dernière vision démoniaque à l’accord final. Nous sommes ici dans l’esprit de la fin du boléro du même auteur, musique dans laquelle on se dirige de manière inéluctable vers le chaos final. Il en est de même pour une autre œuvre du compositeur, La Valse.
Mozart et Ravel. Deux univers musicaux différents pour deux époques différentes. Du classicisme à la période moderne, le genre du concerto pour piano permet bien d’appréhender deux visions du monde à travers deux manières de concevoir l’écriture musicale. Pourtant des points communs subsistent, le principal étant l’utilisation de la forme sonate comme principe de composition. L’idée perdure à travers les ages, cette idée qui consiste en la rencontre de deux voire trois thèmes, trois entités qui se confrontent, se mélangent pour donner lieu à une œuvre. Ravel reprend à son compte ces schémas classiques pour les accommoder à sa manière moderne.
Comme tout compositeur, Ravel vénérait Mozart. Il a d’ailleurs prétendu s’être aidé de son quintette avec clarinette pour composer le second mouvement de son autre concerto pour piano (à deux mains celui là), le concerto en sol, autre œuvre incontournable de la période moderne.
Les époques passent, mais les genres et les structures perdurent. Les formes classiques (forme sonate, forme ABA, forme rondeau, etc..) restent des cadres dans lesquels peut se couler l’inspiration des musiciens. Peu d’entre eux ont écrit sans système. Certain ont révolutionné le langage en désagrégeant ces formes, d’autres s’y sont maintenus. Ravel fait partie de ces derniers.
Il existe sur ce même site une analyse très détaillée du concerto pour la main gauche. Il ne faut pas hésiter à aller la consulter.