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Archives Mensuelles: janvier 2019

Le rapport texte-musique.

23 mercredi Jan 2019

Posted by Pascal Rabatti in Cours, Non classé

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le figuralisme en musique, Le rapport texte-musique, texte et musique

Cette thématique concerne toute œuvre musicale faisant appel à un texte, avec ou non présence de celui-ci. Les exemples à étudier peuvent être puisés dans l’opéra, la musique religieuse, le lied (pièce vocale allemande consistant en la mise en musique d’un poème), la mélodie (équivalent français du lied) la chanson. 

Dans le cas d’une absence de texte, il existe de très nombreuses œuvres pour orchestre avec support littéraire. Ce sont des œuvres de musique à programme (musique descriptive) appelées poèmes symphoniques. Parmi les plus fameux : Mazeppa, de Franz Liszt, d’après un poème de Victor Hugo, et Ainsi parlait Zarathoustra de Richard Strauss, d’après l’œuvre de Nietszche, ceci pour ne citer que deux exemples.

Cet article ne traitera en revanche que des oeuvres musicales avec présence de texte.

Il existe plusieurs manières d’illustrer un texte par la musique.

Quand un compositeur met en musique un texte, il va en souligner le sens par différents moyens.

–Rapport entre texte et ligne mélodique : 

le figuralisme

Un figuralisme est une représentation, parfois au premier degré, des idées littéraires par la musique. Les figuralismes sont très présents dans la musique religieuse, l’opéra et certaines chansons. Cette notion s’est affirmée durant le 16eme siècle, notamment grâce au madrigal italien. Ce que l’on a appelé madrigalisme est en effet une imitation du mot par la musique, qui peut se faire de différentes manières:

-D’un point de vue symbolique tout d’abord. Par exemple, pour décrire le ciel, une mélodie peut monter dans l’aigu. Pour décrire la terre, elle peut descendre. En témoigne l’exemple suivant, dans le thème principal du Libera me du Requiem de Gabriel Fauré. 

Cette image a un attribut alt vide ; son nom de fichier est libera-me-1.jpg

Comme autre exemple, on pourrait citer l’air du catalogue de l’opéra Don Giovanni de Mozart, au moment où Leporello évoque deux types de femme, la petite et la grande. « La piccina » est dit en valeurs très brèves, « la granda maestosa » en valeurs longues. Le figuralisme rajoute ici au côté burlesque de la scène.

Henry Purcell, dans une pièce intitulée Hear my prayer, (Hear my prayer oh Lord and let my crying come unto thee : entends ma prière oh Seigneur et laisse mes pleurs venir à Toi), illustre son texte de la manière suivante:

Hear my prayer: mélodie rectotonale, supplication psalmodique.

My crying: « mes pleurs » est évoqué par une ligne torturée hésitant entre si bémol et si bécarre.

Enfin l’idée globale du texte (laisse mes pleurs venir à Toi), est évoquée par une ligne mélodique ascendante.

Ecoutons cette (trop) brève pièce dans son intégralité. L’ensemble est une polyphonie vocale à huit voix qui monte progressivement vers un climax (sommet expressif), véritable architecture sonore qui pourrait évoquer les coupoles de certains édifices religieux, qui portent toujours le regard vers le point central où siège la lumière. Cette montée progressive rend ici compte du sens global du texte.

Comme dernier exemple, restons avec Henry Purcell dans une autre polyphonie vocale, Man that is born of a woman, pièce extraite de la musique pour les funérailles de la reine Mary. Dans la seconde partie, les ténors énoncent:

He cometh up (il grandit): ligne mélodique ascendante.

And is cut down like a flower (et est fauché comme une fleur): ligne mélodique descendante.

Concernant le symbolisme musical, il va de soi qu’il en existe une infinité d’exemples. Il suffit d’en comprendre le principe pour pouvoir remarquer ce procédé dans d’autres partitions. 

Dans cette pièce, l’écriture participe également à l’évocation du texte. En effet, lorsque le choeur entonne la phrase: « he fleeth as it were a shadow, and never continueth ». (Il fuit comme s’il était une ombre et ne se maintient jamais en un séjour), le contrepoint se resserre, en donnant l’impression d’une fuite perpétuelle ne trouvant sa résolution que dans l’accord final. Nous sommes ici en présence d’une métaphore musicale, qui donne un rapport très profond entre texte et musique.

La métaphore est un procédé sans doute plus abstrait que le symbolisme. Une dissonance, par exemple, peut traduire la souffrance. Pour illustrer cette idée, je propose un extrait de la cantate 137 de Bach. Aus der Tiefe rufe ich Herr zu Dir. (De l’abîme, je crie Seigneur vers toi).

Après une évocation symbolique de l’abîme, avec une ligne vocale qui part de l’aigu pour chuter vers le grave, (aus der Tiefe), l’expression « je crie » (rufe ich) est illustrée par un retard, une dissonance qui par la tension qu’elle génère va participer de manière très subtile à une évocation en profondeur du sens de ce texte.

Ce procédé se retrouve dans la pièce de Purcell citée plus haut, (Hear my prayer), avec un accord dissonant à chaque apparition du mot « crying ».

–Rapport entre texte et harmonie.

Un accord, une succession harmonique peuvent à leur tour souligner une idée littéraire. Une modulation (changement de tonalité) peut renforcer un sentiment ou une situation. L’arrivée d’un nouveau personnage sur scène, par exemple, peut être marquée par un changement de tonalité.

En voici un magnifique exemple, avec une modulation par enharmonie dans le septuor du deuxième acte de Don Giovanni. Pour résumer la scène, Leporello cherche à s’enfuir. Il trouve une porte dans l’obscurité et va pour l’ouvrir. Cependant cette porte s’ouvre sur Don Ottavio et Donna Anna. La musique va ainsi moduler de façon très surprenante de si bémol majeur vers ré majeur, modifiant totalement l’éclairage de la scène.

https://marenzoarsmusica.files.wordpress.com/2019/01/septuor-dg-1.mp3

Cette image a un attribut alt vide ; son nom de fichier est septuor-dg..jpg

-Rapport entre texte et rythme.

Une mesure, une cellule rythmique peuvent également être en adéquation avec un texte. Pour reprendre le Libera me de Fauré, on trouve au début un rythme obstiné (noire-noire-soupir-noire, décomposition de ce qui pourrait être un rythme iambique, une longue suivie d’une brève) qui donne à la musique un caractère très sombre et implacable.

–Rapport entre texte et orchestration. 

Une phrase jouée par un hautbois n’évoquera pas les mêmes sentiments qu’une phrase de flûte, clarinette, basson, etc.. Dans un opéra, l’orchestration tient une très grande place. Bizet, comme Mozart, associe par exemple la flûte traversière à l’idée de la séduction. Il est fréquent aussi qu’une voix aigüe se trouve doublée par un instrument grave, le contraire étant valable. 

Dans cette rubrique, les modes de jeu instrumentaux sont également à considérer avec attention. Un trémolo de cordes dans un opéra sera toujours synonyme de situation tendue, d’incertitude. Des pizzicati de basses posent le discours.

Dans un opéra, l’arrivée d’un personnage marquant est généralement accompagnée par une instrumentation spécifique. Voyez par exemple la véritable trouvaille orchestrale qui marque l’arrivée du grand inquisiteur dans l’opéra Don Carlos de Verdi.

https://marenzoarsmusica.files.wordpress.com/2018/12/Don-Carlos.-1.mp3

Un mélange des timbres les plus graves de l’orchestre (contrebasses, violoncelles, contrebasson et basson) sur un motif pesant de marche lente, soutenu par des accords aux trombones. La musique est ici lourde de sens, inquiétante et caverneuse, dans la tonalité de fa mineur.

-Rapport entre texte et type d’écriture. Ecriture horizontale, verticale. (Notion déjà entrevue plus haut avec la deuxième pièce de Purcell).

Prenons comme exemple une chanson polyphonique de la renaissance: La Guerre de Clément Janequin. Dans cette chanson, l’écriture peut être horizontale, verticale, très dense, plus dépouillée, dépendante du sens du texte et de ce que veut en faire comprendre le compositeur. Ecoutons les King’s Singers.

Le premier mot, « écoutez! » est tout d’abord lancé comme un appel, mélangé entre les différentes voix par une entrée en imitations dans la tonalité très claire de fa majeur. (Certaines versions de cette chanson sont en la).

Certains mots sont dits en homorythmie. « Aventuriers, bons compagnons, ensemble croisez vos bâtons ». En jeu de réponse entre deux groupes de chanteurs et en mesure ternaire très entraînante, dynamique et d’esprit guerrier. Cette mesure ternaire se retrouvera d’ailleurs à la fin de la chanson lors de la victoire, alors que les chanteurs disent « ils sont perdus ».

 « Et orrez si bien écoutez les coups ruez de tous côtés ». Les mots « de tout côtés » se trouvent répétés en écho par le groupe de chanteurs, de tous les côtés de l’ensemble vocal, dans un esprit figuraliste.

« La fleur de lys, fleur de haut prix, y est en personne », chanté par le ténor et accompagné par une polyphonie claire. Il va de soi que le compositeur cherche ici à flatter le monarque et qu’il désire que son texte soit compris, c’est pourquoi Janequin cherche ici à rendre le texte bien intelligible. La ligne mélodique est d’ailleurs à ce moment très caressante. (Dans le même ordre d’idée, il insiste aussi au début de la chanson sur les mots « du noble Roy François »).

Dans la seconde partie, le vacarme et la pagaille du champ de bataille sont rendus par une polyphonie en revanche très dense, avec de nombreuses onomatopées, imitant la charge des chevaux, les bombardes, les clairons et les armes qui s’entrechoquent.

La musique cherche à créer des images fortes. Il s’agit d’une véritable fresque sonore qui fait revivre au roi la victoire qu’il a obtenue sur les milanais à Marignan en 1515, et tous les moyens vocaux sont ici employés dans ce but.

Dans cette version, il faut apprécier comment les King’s Singers rendent la charge avant le fracas final, (sur les onomatopées « vom, vom, patipatoc »), en un accelerando qui laisse pantois. On ne peut être qu’admiratif devant tant de virtuosité et d’aisance.

Cette chanson de Janequin fut dit-on à son époque une oeuvre extrêmement célèbre. Le compositeur était, et reste toujours, considéré comme l’un des plus grands de son temps, en particulier dans le domaine de la chanson imitative que l’on peut assimiler à la chanson de gestes.

A la fin de la chanson, c’est le mot « Victoire » qui sera lancé dans le même esprit que le mot « écoutez », au début de la pièce, terminant la pièce en apothéose.

Trois liens pour davantage de précisions sur cette oeuvre:

https://transharmoniques.wordpress.com/2014/04/20/clement-janequin-la-guerre-ca-1530/

http://www.tard-bourrichon.fr/musique%20JANEQUIN%20Bataille.html

https://conseildansesperanceduroi.wordpress.com/2016/03/15/la-guerre-de-clement-janequin/

Voici donc quelques exemples qui peuvent étayer une argumentation sur la thématique du rapport entre texte et musique. Il s’agit d’un domaine très vaste, mais dans lequel de nombreuses manières de procéder se retrouvent. A l’auditeur de pouvoir les appliquer.

Nota bene

Concernant le rapport texte-musique, il existe sur ce même site trois articles qui parlent de ce thème à travers des oeuvres précises et que l’on peut consulter grâce aux liens suivants:

https://marenzo-ars-musica.com/2017/05/14/premiere-scene-de-lopera-dramma-giocoso-en-francais-drame-joyeux-don-giovanni-de-mozart/

https://marenzo-ars-musica.com/2017/01/15/le-rapport-texte-musique-dans-le-concerto-duo-seraphim-extrait-des-vepres-de-claudio-monteverdi/

https://marenzo-ars-musica.com/category/analyses-musicales/le-voyage-dhiver-de-schubert/

Voici également un lien vers un site intéressant:

http://musique.tice.ac-orleans-tours.fr/php5/site/rapports_texte.htm

La musique instrumentale durant la période baroque.

16 mercredi Jan 2019

Posted by Pascal Rabatti in Cours, Non classé

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Musique instrumentale à l'époque baroque

La période baroque correspond dans l’histoire de la musique au développement et à l’émancipation de la musique instrumentale. En effet, de nombreux genres instrumentaux tels que la sonate, la suite de danses ou le concerto verront le jour durant cette ère qui s’étend de 1600 à 1750. Cette émancipation est due à de nombreux facteurs.

La naissance du style concertant.

Au début du 17eme siècle s’ouvre donc en musique une ère nouvelle. Ce renouveau est en partie dû à la naissance de l’opéra en Italie. Un style va se développer que l’on va appeler style concertant (stile concertato), expression appliquée au début tant aux œuvres vocales qu’aux œuvres instrumentales. Le style concertant confère à chaque partie un rôle bien défini, contrairement aux œuvres de la renaissance dans lesquelles les différentes voix se fondent en un tout dans lequel chacune possède un rôle similaire.

Monteverdi parlera de « stile nuovo », ou style nouveau, par opposition au « stile antico », ou style ancien. Le « stile nuovo » va donner la primauté à une voix, le superius, chargée de traduire musicalement les textes poétiques. La musique instrumentale reprendra ce principe en mettant en avant une ou plusieurs lignes principales soutenues par un accompagnement fait d’une ligne de basse que l’on va appeler continuo ou bien basse continue. Sont alors posés les jalons du style musical qui va s’épanouir durant toute cette ère baroque, l’une des plus longues de l’histoire de la musique puisqu’elle durera de 1600 à 1750 (mort de Jean Sébastien Bach).

Petite parenthèse

La rupture avec le style dit ancien ne s’est pas faite de manière brutale. Le stile antico va en effet perdurer pendant la période baroque, et de nombreux compositeurs vont persister dans le domaine polyphonique à la manière des maîtres de la renaissance, notamment dans leur musique religieuse.

La basse continue

La basse continue est donc l’une des grandes innovations de la période baroque. Ce principe consiste à jouer sous la partie de superius une ligne de basse toujours instrumentale avec ou non des chiffrages permettant à un instrument polyphonique tel qu’un clavier ou un luth de réaliser les accords. Il est très rare que ces accords soient écrits par le compositeur, et ils sont laissés au soin de l’interprète. Le principe perdure encore de nos jours. Les clavecinistes que l’on entend dans les orchestres de musique baroque sont en effet rompus à la réalisation des basses chiffrées. (On retrouve d’ailleurs le même principe dans le jazz, musique dans laquelle les accords sont représentés par des lettres et des chiffres permettant aux pianistes et guitaristes de jouer les harmonies). Les accords chiffrés permettent une grande simplification de la notation. Les partitions peuvent alors être réduites à deux lignes : la partie supérieure et la partie de basse chiffrée. Il était fréquent à la période baroque que les parties intermédiaires soient de simples parties de remplissage dont le compositeur se déchargeait volontiers. Lully dans ses ouvertures d’opéra n’écrivait que le dessus et la basse chiffrée, et il laissait alors à ses secrétaires le soin d’écrire les parties d’alto (haute contre), de taille et de quinte de violon, instruments longtemps tombés dans l’oubli mais que l’on cherche à faire revivre de nos jours.

Le fait de concevoir la musique en deux plans, un dessus virtuose soutenu par un accompagnement en basse chiffrée, va permettre l’épanouissement de la mélodie, celle ci pouvant alors se développer beaucoup plus librement que lorsqu’elle est soumise à un tissu polyphonique. Cette conception permettra notamment aux instrumentistes d’augmenter leurs capacités expressives. Les violonistes par exemple, vont de plus en plus s’aventurer dans les différentes positions, accroissant ainsi leurs possibilités techniques. Répertoire vocal et répertoire purement instrumental vont alors se développer de manière bien distincte. C’est là que commence la réelle émancipation de la musique instrumentale, liée aussi bien aux progrès de la facture qu’aux progrès techniques des instrumentistes.

Différents genres de musique instrumentale durant la période baroque. Sonate, suite, concerto.

La sonate tient dans l’histoire de la musique une place à part. Il s’agit en effet d’un genre très important qui va être le creuset de nombreuses recherches et d’aboutissements dans le domaine instrumental et dans l’écriture musicale. Le terme issu du verbe « suonare » (jouer, en italien), apparaît dans la seconde moitié du 16eme siècle avec la canzona da sonar, genre instrumental inspiré de la polyphonie vocale, dont voici un exemple de Giovanni Gabrieli.

On va distinguer deux types de sonates : la sonata da chiesa (sonate d’église) et la sonata da camera (sonate de chambre, c’est à dire destinée au concert). Dans les deux genres l’on va trouver une recherche constante de virtuosité, qui correspond comme il a été dit plus haut aux progrès réalisés dans le domaine de la lutherie. Le violon, notamment, atteint à cette époque son sommet avec des luthiers comme Amati ou Maggini. Il n’a pas changé depuis.

Voici des sonates de l’un des virtuoses de cette période, le violoniste Uccellini.

La sonate pour trois violons et continuo de Gabrieli


Pour la virtuosité, voici le Capriccio Stravagante (caprice extravagant) de Carlo Farina, oeuvre à rapprocher du concerto pour soliste, objet du paragraphe suivant. On y utilise des pizzicati, des sons harmoniques et même le jeu avec le bois de l’archet. (col legno). On retrouvera ce mode de jeu bien plus tard, notamment dans la Symphonie Fantastique d’Hector Berlioz !


Le concerto

Loin de l’acceptation moderne du terme, qui désigne un instrument soliste en dialogue avec un orchestre, le terme concerto au début de l’ère baroque réfère à toute oeuvre musicale faisant intervenir des groupes d’instruments différant soit par le timbre, soit par la dynamique. Monteverdi utilise également le terme pour désigner certaines pièces vocales donnant à entendre des voix en dialogue. (Concerto « Duo Seraphim » extrait des Vêpres). Dans la première moitié du 17eme siècle, le terme « concerto » va se réduire peu à peu à la musique instrumentale. Le véritable genre ne va se fixer que vers 1680, avec les concertos (concerti serait plus juste!) de Torelli, Corelli, et enfin Vivaldi.

Quelques exemples.

Les concerti ecclesiasticci de Viadana. Oeuvres destinées à l’église.

Les Sacrae Symphoniae de Gabrieli présentent également un caractère concertant.

Le concerto pour deux violons en sol majeur de Torelli, alors que commence à se fixer le genre « concerto pour soliste ».


Un concerto pour hautbois de Corelli.

Enfin, le concerto pour quatre violons de Vivaldi.

Arrangé pour quatre claviers par Bach. Il était fréquent à l’époque baroque que des compositeurs s’inspirent mutuellement.

A l’origine pour quatre clavecins, mais j’ai toujours aimé la version pour piano ! J’ai d’ailleurs eu l’occasion de le jouer dans une version pour quatre guitares.

Revenons en à Torelli et Corelli. C’est bien à eux, représentants de l’école de Bologne que revient la paternité du genre concerto pour soliste et orchestre. Les 12 concerti op 6 de Corelli furent composés vers 1682. Il s’agit de concerti grossi dans lesquels un petit groupe de solistes (le concertino) se trouve en dialogue avec un ensemble instrumental plus fourni (tutti ou ripieno). Dans cet ensemble, le premier violon tient déjà un rôle privilégié, ce qui laisse augurer de ce que sera la suite de l’évolution du genre.

Ces concertos restent cependant étroitement proches de la sonate, da camera ou bien da chiesa. L’on va trouver des préludes, des successions de danses, et l’esprit du concerto y figure surtout dans une alternance entre des masses sonores en écho.

Avec Torelli vont se préciser à la fois les formes et styles concerto. Tout d’abord, le plan en trois mouvements (vif-lent-vif) se fixe. Dans son opus 8, Torelli compose six concerti grossi et six concerti de soliste dans lesquels un seul violon se trouve opposé au tutti. Ce dernier propose les idées alors que le soliste les développe de manière virtuose.

C’est avec Vivaldi que la forme concerto en trois mouvements va réellement s’imposer. Celui que l’on appelait « le prêtre roux » va composer près de 470 concerti dont la plupart mettent en scène des instruments solistes divers : violon, hautbois, flûte, basson ou même mandoline. Chez Vivaldi, le concerto devient plus dramatique. Les contrastes sont très marqués, notamment entre l’allegro et l’adagio central. Les premiers mouvements de concerto chez Vivaldi possèdent généralement des thèmes bien marqués, avec des contours mélodiques précis et affirmant bien la tonalité. Dans les mouvements lents en revanche, il est fréquent que le soliste développe une sorte de cantilène sur un accompagnement harmonique de l’orchestre, à la manière d’un air d’opéra. Voici un exemple avec le concerto pour deux mandolines.

Certains concertos chez Vivaldi sont descriptifs, ce qui est également une marque d’originalité. Ces oeuvres à programme comportent donc des titres tels que La Chasse, La Tempête ou pour citer le recueil le plus connu, Les Saisons.

Vivaldi a beaucoup apporté dans le domaine de la technique instrumentale, en développant la notion de virtuosité de manière assez personnelle. Pour ce qui concerne l’orchestre, il y utilise parfois toutes les cordes en unisson, en pizzicato, ou avec sourdine. Par la suite, des compositeurs comme Albinoni, Tartini ou Locatelli continueront dans cette voie.

Petite parenthèse : le concerto pour soliste supplante le concerto grosso.

Avec Torelli et Vivaldi en effet, le genre concerto pour soliste va s’épanouir à tel point que le concerto grosso va peu à peu tomber en désuétude. Cette notion d’opposition entre masse orchestrale et individu est à rapprocher de l’opéra, tant elle est d’essence dramatique. L’un des premiers compositeurs à avoir appréhendé cette dualité est Lully, qui en 1666 dans son Ballet des Muses introduisait un menuet sur basse obstinée dans l’esprit d’une chaconne, avec un violon soliste en parfait dialogue avec l’orchestre.

Vers 1700, Alessandro Scarlatti mettra en évidence la virtuosité du premier violon de l’orchestre. Voici un exemple qui mérite que l’on s’y attarde : le second mouvement de ce concerto grosso (à 1’56 »), sorte de fugato qui à un moment expose une très belle partie de violon solo. Ne pas hésiter à écouter l’intégralité de cette musique toute de grâce.

On constate ainsi que la notion de concerto pour soliste est déjà contenue en germe dans des oeuvres antérieures à Torelli. Mais c’est avec ce dernier que la distinction entre soliste et orchestre se fera de manière systématique.

Fin de la parenthèse.

Trois grands maîtres de la période baroque: Bach, Haendel et Telemann.

Avec Bach, le genre concerto va s’adapter de différentes manières. Les Suites pour orchestre sont composées dans un esprit concertant, avec présence d’une flûte soliste dans la seconde (très célèbre Badinerie en si mineur), deux hautbois et un basson dans la première. D’autre part, les suites 3 et 4 sont dans l’esprit d’un concerto pour orchestre, à la manière des italiens du début du 17eme siècle.

Le concerto pour soliste adopte chez Bach le modèle vivaldien, avec une coupe en trois mouvements et des rapports identiques entre soliste et orchestre mais dans un esprit plus contrapuntique. Voici le fameux concerto pour violon en la mineur.

Il faut également écouter les concertos pour clavecin et orchestre. Voici par exemple le très puissant concerto en ré mineur.

Chez Bach, il faut s’attarder dans les concertos sur les mouvements lents qui développent toujours une très grande poésie.

Enfin, pour une synthèse entre concerto grosso et concerto pour soliste, les six Concertos Brandebourgeois, qui constituent une véritable somme de trouvailles orchestrales, d’invention mélodique et de virtuosité.

Voici le cinquième de ces concertos, qui contient notamment une très célèbre cadence pour clavecin à la fin du premier mouvement. Dans ce mouvement, le dialogue instauré entre la flûte et le premier violon mène le jeu.

On constate à l’écoute de cette vertigineuse cadence de clavecin que la virtuosité au clavier n’est pas l’apanage des grands pianistes de l’époque romantique !

Georg Friedrich Haendel, se réservait dans ses concertos pour orgue alors qu’il tenait la partie soliste des plages d’improvisation, notamment dans les mouvements lents. Cet esprit donne à ses concertos un caractère très spontané peut être moins réfléchi que chez son contemporain Bach. Voici le concerto en la majeur.

Le concerto grosso en sol majeur


Une page très connue: le concerto en si bémol pour harpe.

Telemann est un compositeur extrêmement original, dépassant en quantité d’oeuvres ses illustres contemporains. Sa production est en effet immense, et comprend des pièces aux sonorités souvent très particulières. Voici pour écouter un concerto pour quatre violons.

Le concerto pour deux altos.

Enfin, voici le concerto Da Camera, avec une brillante partie de flûte à bec.

Tous ces exemples prouvent à quel point l’écriture instrumentale a évolué durant cette période baroque. Un article suivant traitera de l’évolution d’un autre genre important de l’histoire de la musique instrumentale : la symphonie.

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