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analyse du concerto duo seraphim de Monteverdi, Les Vepres de Monteverdi concert duo seraphim
Duo Seraphim clamabant alter ad alterum: Deux Seraphins craient l’un à l’autre
Sanctus Dominus Deus Sabaoth: Saint est le Seigneur des armées
Plena est omnis terra gloria eius. Toute la terre est pleine de sa gloire.
Tres sunt qui testimonium dant in coelo: Ils sont trois qui règnent aux cieux
Pater, Verbum, et Spiritus Sanctus: Le Père, le Verbe et le Saint Esprit
Et hi tres unum sunt. Et ces trois ne sont qu’un
Les Vêpres composées en 1610 sont considérées comme l’un des sommets de la production de Claudio Monteverdi dans le domaine de la musique religieuse.
Dans l’église catholique, les vêpres font partie des heures de l’Office divin. Il s’agit de la prière solennelle du soir.
Monteverdi réalise avec son oeuvre une synthèse entre « stile antico » ou « prima pratica » (style ancien) et « stile nuovo » ou « seconda pratica » (style nouveau). Le style ancien fait référence aux compositeurs du 16eme siècle et l’écriture polyphonique, alors que le style nouveau, lui fait référence à la mélodie accompagnée sur basse continue. Ce dernier style étant en partie apparu grâce à l’avènement de l’opéra .
L’oeuvre est composée pour double choeur, chanteurs solistes, deux violons, deux cornets à bouquin et un ensemble instrumental avec basse continue.
Le concerto duo seraphim est écrit pour trois voix de ténor et basse continue. Il s’agit dans la partition du numéro 7. Nous allons y étudier le rapport entre le texte et la musique du point de vue de l’harmonie et du figuralisme.
Généralités sur la pièce « Concerto duo seraphim
La première partie est à deux voix (deux séraphins) et la seconde partie à trois voix (ils sont trois).
La tonalité globale du morceau est sol mineur. L’écriture, qui oscille entre modalité et tonalité, donne à entendre de nombreuses vocalises (écriture pour soliste, proche de l’opéra) des passages contrapuntiques (canons) et des passages homorythmiques. Le terme « concerto » contenu dans le titre évoque le dialogue des différentes voix. (Ecriture concertante). Il ne faut pas le confondre avec le concerto pour instrument soliste et orchestre, si ce n’est le principe identique qui consiste à instaurer un dialogue musical entre différentes parties.
Pour des raisons de clarté auditive, les exemples audios seront ici donnés avec des sons de violoncelle, ceux ci étant préférables aux sons de voix synthétiques.
Première grande section
Tout commence sur un unisson des deux voix, qui se scindent ensuite sur la seconde moitié de la première mesure par le retard très expressif de note sensible.
Sur le mot « clamabant » commence le jeu de réponses entre les deux chanteurs, ce qui illustre de manière très évidente l’idée du texte « deux séraphins criaient l’un à l’autre ». Nous avons ici un premier exemple de figuralisme. L’idée est également exprimée par une ascension vers un apogée sur la mesure 6. L’écriture donne ici la part belle aux retards, ce qui rend la musique intensément expressive. Pour ce qui est de la tonalité, nous passons ici en si bémol majeur, ton relatif majeur de sol mineur, ce qui apporte à la musique cette clarté particulière. L’apparition du mi bécarre confère, elle, une couleur modale. (Voir accords sur partition).
Voici maintenant l’accompagnement joué par un luth et une contrebasse (virtuels..):
C’est absolument magnifique. Les accords avec retard donnent une harmonie d’une très grande richesse.
Les deux voix se trouvent réunies sur la mesure 11.
Le mot « Sanctus » est mis en valeur par une vocalise bien particulière donnant à entendre de nombreuses notes répétées.
Cette vocalise va passer d’une voix à l’autre. Il en sera de même dans la seconde partie avec les trois chanteurs.
Mesures 18 à 21, sur les mots « Deus Sabaoth » (le Seigneur des armées), on va trouver une ascension vers le second point culminant du passage, avec modulation en si bémol majeur. Une clarté incroyable émane de ce passage, qui sera repris dans la seconde partie avec les trois voix.
Une nouvelle vocalise nous mène à la dernière phrase de cette première partie ; « toute la terre est pleine de sa gloire ». Pour illustrer cette idée de plénitude, Monteverdi va utiliser le canon comme principe d’écriture. Mesure 24, la première voix lance ce canon en ré mineur modal (éolien), puis la seconde fait ensuite son entrée dans la même mesure en sol mineur modal également (éolien également). Canon « à la quarte », la première voix débutant sur ré, la seconde sur sol.
Cette première section se termine par une cadence parfaite en tonalité de sol mineur.
Deuxième grande section
Ils sont trois, qui témoignent au ciel
Un ténor se rajoute donc pour former la Trinité avec trois voix polyphoniques homorythmique, sur l’accord de sol mineur. Il s’ensuit une entrée en imitations à la quinte entre ces trois voix, sur le texte « qui testimonium dant in coelo », qui mène à une demi-cadence mesure 24.
Puis sur une vocalise ascendante, les trois voix réalisent une seconde imitation sur les mots « Pater, Verbum, et Spiritus sanctus ».
« Et hi tres unum sunt ». « Et ces trois » est dit sur un accord à trois sons. « Ne sont qu’un » est dit sur un unisson parfait, et cela sur les deux fois. Nous avons ici un bel exemple d’illustration très évidente des idées du texte par la musique.
La suite sera une répétition avec amplification de ce qui a été dit dans la première partie à deux voix, la vocalise sur la mot « Sanctus » passant d’une voix à l’autre.
Revoici ensuite ce passage si intensément expressif sur les mots ‘Deus Sabaoth », amplifié également par rapport à la première partie puisque chanté par les trois voix.
Pour terminer, Monteverdi reprend l’écriture en canon sur les mots « plena est omnis terra gloria eius ». Les entrées sont toujours à la quarte. (Ré, sol puis do). Le canon rigoureux se trouve entre les ténors 2 et 3. A la fin, on trouve une vocalise jubilatoire sur le mot « gloria ».
Voici maintenant la fin de cette pièce, avec un emprunt à la tonalité du quatrième degré do par la note si bécarre qui mène à une cadence plagale de de do mineur vers sol majeur, cet accord de sol majeur étant obligatoire du fait de cet emprunt.