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Je suis depuis toujours un amoureux de la chanson française et des beaux textes. Il y a eu par le passé une pléthore d’artistes que l’on écoute encore de nos jours avec un plaisir toujours renouvelé.

Au risque de me faire taxer de passéisme, je ne trouve pas aujourd’hui la richesse qu’il a pu y avoir jadis, et il me semble que des Jacques Brel, Georges Brassens, Boby Lapointe, Charles Trenet, manquent cruellement à nos générations actuelles, dans lesquelles tout de même quelques talents émergent.

Ce préambule ne coïncide pas du tout avec le titre de cet article, c’est pourquoi je vais entrer sans tarder dans le vif du sujet, avec un des textes les plus incroyables de Boby Lapointe, « Je suis né au Chili ».

Tout d’abord écoutons ce chef d’oeuvre.

Boby Lapointe (1922-1972), ici en train d’admirer des verres à pied, est spécialiste du calembour, de la contrepèterie, du double sens et de l’alitération. Ses chansons regorgent de trouvailles. Je vous propose donc de relire le texte ci dessous, avec un commentaire entre chaque vers. Les vers sont en gras et en italique.

Premier couplet

Je suis né au Chili, maman était au lit et mon papa auchi

« Chi » au lieu de « si » : astuce qui permet une inversion de syllabes doublement comique

Mais il n’y resta pas car maman le tapa et papa s ‘épata

Contrepèterie. Double sens des syllabes « ta-pa ».

Il lui dit le fait est que nous allons fêter l’enfant que je t’ai fait

Même principe que dans le vers précédent.

Il but tant de pots tôt qu’il buta à un poteau et typez le topo.

Encore le même principe

Maman dans le moka papa dans le coma et moi né commako

Contrepèterie moka-coma, et le mot « commako » (comme ça en argot) réunit le tout

Tout noué tout ténu tout menu et tout nu né tout nu ça nous tue.

A relire plusieurs fois pour bien comprendre les astuces. Alitérations dignes d’une autre chanson de Lapointe : « Ta Katie t’a quitté ».

Car de mon corps palot le soleil bouffait la peau sans vous belle Paula

Même principe qu’au dessus. Double contrepèterie : palot-la peau-Paula

Qui de vos mains de fée en cette fin de mai me graissâtes le dercheme.

Me graissâtes.. Ah le passé simple.. Quand on pense que l’on veut en supprimer l’étude à l’école ! (Le dercheme : l’arrière train en argot). Apprécier la contrepèterie « mains de fée-fin de mai ».

Et je veux rendre à ma façon

Grâce à votre graisse à masser

Votre saindoux pour le corps c’est

Votre sein doux pour le corset

Ce que mes vers pour l’âme sont

Mes vers pour l’hameçon (facile à comprendre mais je le mets quand même car c’est génialement trouvé)

De tout ce qu’à ma peau me fîtes (pommes frites)

Combien fus-je épaté de fois (…)

Combien à vous qui m’épatâtes (incroyable passé simple une fois de plus).

Mon bon petit coeur confus d’oie (confit d’oie).

Second couplet

Absolument pas liée à vos voisins de palier mais m’entendant piailler

Belle astuce de texte

A poil sur la terrasse sans chapeau tête rase sans que je m’arrêtasse

Très fort : le subjonctif du verbe arrêter réalise la contrepèterie.

Enjambant le balcon en un radical bond vous traitâtes d’un saleton

Un saleton : un coup de pied en argot

Ma mère dans le moka mon père dans le coma qui me laissaient commako

Déjà vu

Sortant je ne sais d’où un morceau de saindoux vous massâtes soudain

Même principe qu’au dessus. Pour ce qui suit, mieux vaut être attentif pour saisir tous les jeux de mots :

Ma peau piètre de vos froids doigts sans rides vos belles mains c’est de vos si

-Ma paupiette de veau-      -foie d’oie-   -ris de veau-               -émincé de veau-

Jolies phalanges ouatées que vous m’avez ôté au citron et aux miches, oui

-langes ouatés-                                  -thé au citron-                -méchoui-

La douleur qui en douce n’avait sauté qu’aux s’cousses étranges de vos frictions

-navets sautés-          -couscous-         -tranches de veau-

(en espérant n’avoir rien oublié..)

De tout ce qu’à ma peau me fîtes, etc.……………….

Voici un texte que l’on devrait apprendre à l’école!

Ne pas hésiter à écouter avec attention l’intégrale de Boby Lapointe. Chaque mot, chaque phrase peut cacher une trouvaille.

Brassens admirait beaucoup Boby Lapointe. Il lui a fait à sa mort un hommage très émouvant. Quant à Francis Blanche il en aurait dit:

« De nous tous, c’est ce gars là qui restera ».

 

Pour Brassens 

Il existe un site très intéressant sur lequel je vais souvent, et qui concerne Georges Brassens. Chaque chanson y est expliquée avec toutes ses références de manière brillante. Voici le lien:

http://www.analysebrassens.com/

Et pour l’actualité, voici un article que j’ai bien aimé:

https://www.egaliteetreconciliation.fr/Nos-tres-chers-chanteurs-31430.html

Bonne écoute et bonne lecture!