La fugue. Cours donné dans le cadre d’une option musique en lycée.

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Une fugue est une pièce musicale généralement à thème unique (mais nous verrons que cela n’est pas toujours le cas), basée sur le principe des entrées en imitations et sur l’écriture contrapuntique. Une fugue est donc une pièce toujours polyphonique, dont le nombre de voix peut aller de deux à six.

Pourquoi ce terme de fugue ? Ce mot contient l’idée de fuite, cette impression étant donnée par le jeu des voix entre elles, qui se répondent sans cesse, qui dialoguent en s’échangeant notamment le thème (appelé sujet) et différents motifs, ceci jusqu’à l’accord final.

Quelques définitions

-Contrepoint : technique d’écriture musicale difficile et complexe qui consiste à superposer différentes lignes mélodiques. L’écriture contrapuntique est également appelée écriture horizontale.

-Entrée en imitations : entrée successive de différentes voix dont chacune reprend ce qu’a dit la précédente. C’est le principe de ce que l’on appelle le canon. Il ne faut cependant pas confondre une entrée de fugue avec une entrée en canon, nous verrons pourquoi par la suite.

-Polyphonie : superposition de différentes voix. La polyphonie rejoint bien entendu l’écriture contrapuntique, mais une pièce polyphonique peut également être non contrapuntique, dans le cas d’une écriture en accords (écriture verticale).

Les compositeurs qui illustrent l’écriture fuguée

Commençons par un lieu commun : Jean Sébastien Bach est considéré comme le maître absolu en la matière. Nous n’insisterons pas trop là dessus, cependant nous puiserons chez lui de nombreux exemples, ce qui semble inévitable dans la mesure où l’écriture fuguée a été pour Bach le creuset dans lequel il a accompli ses prouesses contrapuntiques les plus vertigineuses.

Avant Bach, Buxtehude, après lui, Mozart, contrapuntiste hors pair qui utilisera la fugue notamment dans sa musique religieuse et également dans l’ouverture de la Flûte Enchantée. Mozart compose également un Adagio et fugue en ut mineur  pour cordes. Il a aussi réalisé des arrangements pour quatuor à cordes de fugues de Bach extraites du Clavier bien Tempéré. Beethoven utilise la fugue dans certains quatuors, et propose une entrée fuguée dans un passage de sa 5eme symphonie. Berlioz, également excellent contrapuntiste, utilise l’écriture fuguée dans son Te Deum, dans le dernier mouvement de la Symphonie Fantastique et dans la Damnation de Faust, dans une fugue parodique lors de la scène de la taverne. Dans son opéra Carmen, Bizet fait entendre une entrée fuguée à la fin du premier acte, alors que Carmen va s’enfuir (rapport texte musique intéressant). Au XXeme siècle Bela Bartok compose une magistrale fugue atonale à 6 voix pour ouvrir Musique pour cordes, percussions et célesta . Dmitri Chostakovich compose quant à lui 24 préludes et fugues pour piano, en hommage vraisemblablement à Bach.

Il ne s’agit pas ici de fournir une liste exhaustive mais de donner quelques exemples, sur lesquels nous reviendrons par la suite.

Deux précisions nécessaires

Il ne faut donc pas confondre fugue et canon. Dans un canon en effet, les différentes voix font rigoureusement la même chose de manière décalée. Dans une fugue, après son entrée, chaque voix suit son chemin propre. Cependant on peut dire que le canon est à l’origine de la fugue. L’entrée en imitations est en effet un procédé extrêmement ancien. En témoigne cette pièce en canon strict de Guillaume de Machault (14eme siècle):

Il est fréquent que la fugue soit présentée comme une forme musicale. C’est une erreur. La fugue n’est pas une forme mais un procédé d’écriture. Les formes musicales telles que forme ABA, forme sonate, forme rondo, sont des cadres immuables dans lesquels se fond l’inspiration du compositeur. La fugue est avant tout une manière de concevoir l’écriture. Il n’y a pas deux fugues qui se ressemblent, hormis les principes de composition cités plus haut. On ne peut en aucun cas parler de « forme fugue ». (Cela sonne d’ailleurs très mal, comme une mauvaise dissonance).

Exemples et analyses.

Premier exemple : fugue en ut mineur de Bach, extraite du clavier bien tempéré volume 2. Cette pièce possède l’avantage d’être très claire, et surtout très belle. Elle est ici précédée d’un prélude et se trouve sur cet enregistrement à 1’39 ».

fugue ut m 1.jpg

fugue ut m 2.jpg

Quelques détails sur cette pièce.

Pour commencer voici le thème au début, exposé par la première voix. Ce thème est appelé le sujet de la fugue.  Exemple 1:

le sujet ex1.jpg

A la mesure 2, la seconde voix donne ce que l’on appelle la réponse, c’est à dire le sujet mais transposé une quarte au dessus, ici dans le ton de sol, dominante de do. Exemple 2:

réponse ex 2..jpg

Cependant que la première voix continue avec ce que l’on appellera le contresujet. Voici les deux voix en même temps. Exemple 3:

2 voix début ex3.jpg

Il s’ensuit un bref passage d’une mesure, donnant la part belle aux retards. exemple 4

ex 3 mes 3.jpg

Puis la main gauche entonne le sujet mesure 4. Exemple 5:

ex4 entr basse.jpg

Trois voix sont entrées en jeu. Les deux mesures qui vont suivre donnent alors à entendre un moment plus libre. Exemple 6:

div 1.jpg

Une fugue comporte toujours une alternance entre des moment d’écriture rigoureuse et des moments plus libres que l’on nomme divertissements.

Concernant le début de la pièce on constate que le sujet se trouve exposé dans le ton principal alors que la réponse est dite dans le ton de la dominante. Ce balancement entre les deux degrés contribue à relancer la musique pour lui donner son élan.

Ecoute globale de la fugue. 

A partir de maintenant, réécoutez la pièce en essayant de retrouver le sujet ou sa réponse disséminés dans les autres voix. Ils apparaissent régulièrement et plusieurs écoutes seront nécessaires avant de tout percevoir.

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Je souhaiterais insister sur un passage situé en bas de la première page, au cinquième système. Exemple 7:

bas page 1.jpg

En quoi ce passage est-il remarquable? Si l’on regarde bien, la voix du haut (en noir ici) donne le sujet. La voix intermédiaire (ici en rouge) donne ce même sujet mais en valeurs plus longues, c’est à dire en augmentation. Enfin la ligne de basse (ici en vert) joue le sujet inversé, comme une image que l’on regarderait dans un miroir.

Dans ce passage, qui reste une très belle combinaison des voix, Bach se permet tout de même une faute de contrepoint, avec une octave par mouvement direct dans la première mesure. Elle est ci-dessous soulignée en bleu (ex 8). Il faut savoir que l’apprentissage du contrepoint nécessite la connaissance de règles très strictes, et qu’arriver sur une octave (ou une quinte), ne peut se faire suivant ces règles que par mouvement contraire. Or, ici, les deux voix montent ensemble sur cette note fa. L’apparition du thème en valeurs augmentées peut justifier cette faute, même s’il est vrai qu’une octave abordée de cette manière peut sonner assez platement. 

Citons Debussy, dans une phrase extraite de Monsieur Croche:

« Le vieux Bach, qui contient toute la musique, se moquait, croyez le bien, des formules harmoniques. Il leur préférait le jeu libre des sonorités, dont les courbes, parallèles ou contrariées, préparaient l’épanouissement inespéré qui orne d’impérissable beauté le moindre de ses innombrables cahiers ».

Cette citation pourrait étayer une argumentation en faveur de cette faute de contrepoint. Exemple ci dessous.

Exemple 8: faute ctpt.jpg

Pour terminer, je souhaiterais montrer deux extraits, au sixième système et à la fin, aux neuvième et dixième systèmes. Il s’agit de deux passage en strettes. Très souvent en effet, on entend à la fin d’une fugue un moment dans lequel les entrées du sujet se resserrent. (en italien stretto signifie serré). On en a deux exemples ici. Pour des raisons de commodité de lecture, j’en ai enlevé tout ce qui n’est pas le sujet ou sa réponse. Dans le dernier extrait, (couleur bleue), Bach donne à entendre le sujet inversé, en une fort belle combinaison des voix.

Voici donc le premier passage en strette. Exemple 8.

1ere strette.jpg

Et le second, avec des entrées encore plus rapprochées.

2eme strette.jpg

J’ai choisi cette pièce pour tout ce qu’elle contient d’instructif (outre que même Bach peut commettre des fautes d’écriture) sur les manières de faire lorsque l’on compose du contrepoint suivant le principe de la fugue. Un sujet, sa réponse à la dominante, sa présentation en valeurs augmentées, en inverse, en strettes, tout ceci de manière particulièrement limpide. On retrouvera tous ces procédés dans le testament musical du maître, cette œuvre incroyable et inachevée qu’est L’Art de la Fugue.

Considérons maintenant ce procédé chez d’autres musiciens.

Nous avons évoqué Mozart au début de l’article. Celui ci utilisera la fugue à maintes reprises. N’hésitez pas à consulter sur ce site l’analyse de l’adagio et fugue en ut mineur. Je n’y reviens bien entendu pas ici, et souhaite seulement citer l’ouverture de La Flûte Enchantée. Après une introduction majestueuse en accords, nous entendons ceci :

Ouv flute 1.jpg

ouv flute 2.jpg

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Par l’écriture fuguée Mozart illustre le côté initiatique de son oeuvre. La fugue est en effet considérée comme un procédé difficile à maîtriser car il fait appel à une certaine intelligence musicale afin de pouvoir combiner dans l’harmonie les différentes lignes mélodiques, avec toutes les contraintes imposées. Chacun sait que la Flûte Enchantée correspond dans la vie de Mozart à son entrée dans la franc-maçonnerie, et à son époque, cette entrée comportait des épreuves, l’une des épreuves que les musiciens avaient à subir étant la composition d’un canon ! La partie fuguée de cette ouverture n’est donc vraiment pas là par hasard, elle reflète les aspirations du compositeur à ce moment de sa vie.

Chez Beethoven, l’écriture fuguée peut être extrêmement ludique, comme en témoigne l’exubérant finale du troisième quatuor de l’opus 59.

On retrouve cet esprit dans le scherzo de la 5eme symphonie, alors que les basses entonnent ce passage endiablé:

scherzo 5eme 1.jpg

scherzo 5eme 2.jpg

Dans l’un de ses derniers quatuors, Beethoven compose une fugue conclusive, mais son éditeur convaincra le compositeur de la considérer comme un mouvement à part. (Il dure en effet plus de 15 minutes). C’est ici le rythme qui est roi, au détriment de la ligne mélodique. On est en effet à mille lieues de la fluidité de Bach. L’oeuvre peut paraître ardue, mais comme disait Hector Berlioz : « il est monté si haut que l’air commence à manquer ». Voici donc « La grande Fugue » pour quatuor.

Berlioz a vis à vis de l’écriture fuguée une attitude quelque peu ambigüe. En effet, il critiquait volontiers les fugues religieuses dans lesquelles on répète inlassablement « Kyrie Eleison ». Il propose donc une parodie de fugue dans sa Damnation de Faust, avec un choeur d’hommes qui chante sur le mot « Amen » sur le thème de la chanson de Brander.

Comme souvent dans ses oeuvres, Berlioz fait passer un message sur ses goûts musicaux. Juste avant cette fugue, Méphistophélès déclare qu’il s’agit de « la bestialité dans toute sa candeur ».

Au début de son Te Deum, en revanche, Berlioz utilise l’écriture fuguée, avec deux thèmes superposés, et donc une double entrée en imitations. Pour information, on trouve un procédé similaire chez Mozart avec le Kyrie du Requiem, ce sur quoi nous allons revenir à la fin de cet article. Ecoutons donc le début du Teum de Berlioz.

Concernant la symphonie Fantastique, voici l’entrée fuguée lors du mouvement intitulé Le Songe d’une nuit de Sabbat. Le principe de la fugue rajoute ici au côté diabolique de la scène.

fugue sabbath 1.jpg

fugue sabbath 2.jpg

Georges Bizet lui aussi va utiliser le procédé de la fugue pour illustrer une idée littéraire. Dans son opéra Carmen, il fait entendre ceci, à la fin de l’acte 1:

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La musique anticipe ainsi l’action puisque dans l’histoire, elle correspond au moment ou Carmen s’apprête à prendre la fuite après avoir été arrêtée. La fugue possède donc ici une connotation très forte, et cette idée de fuite en avant évoquée plus haut prend ici tout son sens.

Deux exemples de musiciens du XXeme siècle qui ont composé des fugues. 

Je souhaiterais bien entendu citer Bela Bartok et sa monumentale fugue à six voix qui ouvre l’oeuvre intitulée Musique pour cordes, percussions et célesta. Les entrées des voix se font suivant le cycle des quintes, (la, mi, ré, si sol, fa dièse), et la musique est ici très chromatique et donc atonale. Ecoutons ce chef d’oeuvre.

Un peu plus tard, Dimitri Chostakovitch a composé pour le piano 24 préludes et fugues. On peut les écouter dans une très belle version de Keith Jarret. On peut aussi écouter l’hallucinant passage en écriture fuguée de sa quatrième symphonie. Il arrive à 15’15 » dans le premier mouvement.

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Pour terminer, je voudrais revenir sur le plurithématisme dans l’écriture fuguée.

Considérons les deux exemples cités plus haut, Te Deum de Berlioz, Kyrie du Requiem de Mozart.

Le début du Te Deum (entrée des voix : soprano, ténor basse)

te deum Berlioz.jpg

Le début du Kyrie du Requiem de Mozart.

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Pour chaque exemple, on trouve donc deux motifs distincts qui se trouvent superposés.

Il faut remarquer que dans ces deux cas, chaque motif supporte un texte différent.

Chez Berlioz, le motif A chante « Te Deum laudamus » (Nous te louons, Dieu), alors que le motif B chante « Te veneratur omnis terra » (Toute la terre te vénère).

Chez Mozart, le motif A chante « Kyrie Eleison » (Seigneur prends pitié), alors que le motif B chante « Christe Eleison » (Christ prends pitié). Il est d’ailleurs assez rare de faire chanter les deux textes ensemble puisque dans l’ordinaire de la messe, on chante le kyrie, le Christe puis le kyrie de nouveau en alternance.

Toujours dans cette notion de plurithématisme, revenons à Bach.

Le plus fameux exemple à proposer est le dernier contrepoint de l’Art de la Fugue. Il est intitulé « Fugue à trois sujets ». Les voici dans l’ordre. Il conviendra ensuite d’écouter cette pièce qui a la particularité d’être inachevée, Bach étant vraisemblablement décédé avant d’avoir pu la terminer, ce qui à vrai dire reste une énigme. On a également remis en doute l’appartenance de cette fugue au recueil de l’Art de la Fugue du fait que l’on n’y entende pas le thème principal de l’oeuvre.

adf 3 sujets.jpg

Le troisième sujet permet à Bach de signer sa musique de son nom. En effet il faut savoir qu’en Allemagne les notes sont désignées par des lettres. Ici on entend donc ce fameux B-A-C-H. Ecoutons la toute fin de cette pièce, avec les trois thèmes qui se trouvent superposés.

art fugue fin.jpg

Il est évident que l’écriture fuguée est surtout l’apanage de la période baroque, et on a l’habitude de dire qu’avec la mort de Bach en 1750 cette manière de concevoir la musique va quelque peu tomber en désuétude. Cependant tous les exemples cités ici prouvent à quel point cette écriture a quand même perduré à travers les âges en s’adaptant aux différents styles. La musique populaire s’est également emparée de ce mode d’écriture. En 1968, Astor Piazzolla compose Fuga y misterio, qui va mêler en un tout  intéressant le tango à l’écriture fuguée. Il s’agit cependant d’un exemple assez rare, ce mode de composition restant généralement cantonné au domaine de la musique savante.

Une vision de l’esthétique de Bach.

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Il y a dans le livre « Relevés d’apprenti » de Pierre Boulez, (l’une de mes bibles alors que j’étais étudiant), un texte sur Bach qui m’a toujours frappé. Ce texte n’est pas de lui, mais il cite François Florand dans son livre « Jean Sébastien Bach ». Voici ce texte:

« Pour bâtir un développement, il arrive à Bach de préférer un moyen, qui consiste à développer le concert des voix sans sortir de la tessiture qu’il leur a assignée au départ, les maintenant de force dans les mêmes limites -guère plus d’une octave pour chaque partie- et amenant une progression venue tout entière du courant mélodique lui même, à peu près comme un fleuve que l’on verrait grossir sans cause extérieure apparente, ni affluents, ni glaciers, ni orages, mais par le seul apport de mystérieuses sources souterraines. C’est là autre chose qu’une simple esthétique de répétition, à la manière orientale ou hindoue. C’est un procédé très particulier à Bach, qui est fait d’une accumulation intérieure d’énergie, de force émotive, jusqu’au point où l’auteur et l’auditeur sont saturés et comme enivrés. Il n’y faut chercher, assurément, rien  de brutal, ni de grossier. Mais enfin, il vient alors un moment où, à force de tourner et retourner son motif, la tête semble tourner à l’auteur lui même. « Es schwindelt… » Et c’est cela le sommet de l’oeuvre ».

J’ai aimé cette évocation d’un fleuve qui ne grossirait que par l’apport de sources invisibles. Pour François Florand, il semblerait en effet que la tension, l’énergie qui se dégagent de la musique de Bach soient le résultat d’une polyphonie dans laquelle le musicien contraint ses voix, à la manière d’une personne qui chercherait à canaliser un débordement. Ainsi, la tension inhérente au discours musical serait le résultat inévitable de cette contrainte, une sorte de respiration profonde qui amènerait la musique vers des sommets d’expression trouvant leur résolution naturelle dans des moments de détente.

Un exemple pourrait illustrer cette idée de manière assez claire. Il s’agit du Kyrie qui débute la Messe en si mineur. Nous allons tenter d’en expliquer la teneur à la lumière du texte de François Florand.

Pour commencer, écoutons ce Kyrie :

(Dans la très belle version de Philippe Herreweghe).

Les éléments qui composent ce Kyrie. (Passons l’introduction). 

-Le thème principal, un sujet de fugue, en si mineur. Thème de courbe globalement ascendante donnant à entendre de grands intervalles disjoints d’esprit plus instrumental que vocal. Le do bécarre de la fin est à analyser comme un second degré rabaissé (napolitain) de si. Comme la basse à ce moment fait entendre un mi, nous nous trouvons sur l’accord de sixte napolitaine mi-sol-do, qui mène logiquement au 5eme degré fa dièse, pour la réponse (voir exemple numéro 2).

Exemple numéro 1

Sujet fugue

-Comme second élément, une marche harmonique descendante sur une noire liée à quatre croches, à partir de laquelle toute la tension accumulée va se résoudre. Cette marche débute sur une note qui peut correspondre au sommet d’expression dont parle François Florand dans son texte. C’est ce que nous tenterons d’expliquer dans cet article. Cette marche se trouve exposée dès le début dans l’introduction d’orchestre, (exemple ci-dessous à la mesure 6), et se trouvera par la suite considérablement amplifiée par le choeur, ce que nous verrons par la suite.

Voici donc comme deuxième exemple l’introduction orchestrale avec le sujet, sa réponse, et la note sol dièse, qui sert ici de point culminant à partir duquel va se résoudre la tension, surlignée en bleu. Ce sol dièse est à analyser sur la mesure 6 comme un retard de tonique sur l’accord de fa dièse mineur, note dissonante donc très expressive.

Exemple numéro 2

intro orchestre 1.jpg

 

début fugue 2.jpg

-Enfin, dans les motifs principaux de ce Kyrie, un motif en croches directement issu du thème principal, puisqu’il en reprend en les développant les intervalles disjoints descendants. Ce motif est utilisé lors des passages de transition. On l’entendra en effet joué par l’orchestre entre les deux plus grandes sections de choeur de cette pièce.

Exemple numéro 3

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Pour reprendre le texte de François Florand, en voici des extraits:

(…..)sans sortir de la tessiture qu’il leur a assignée au départ, les maintenant de force dans les mêmes limites -guère plus d’une octave pour chaque partie-(….)

L’ambitus de chaque voix se situe ici globalement dans un intervalle de neuvième.

(..)une progression venue tout entière du courant mélodique lui même(..)

Le « courant mélodique » rejoint bien entendu l’idée du fleuve, en décrivant bien  cette musique qui prend l’auditeur dès les premières notes pour le mener inexorablement aux dernières.

 

Considérons maintenant le développement de cette fugue, à partir de l’entrée du choeur. qui suit l’introduction orchestrale. 

(En raison des sonorités de voix synthétique non convaincantes, j’ai choisi de faire entendre ce choeur par une imitation de quintette à vents).

Ce sont tout d’abord les ténors (ici le basson), qui donnent le sujet, suivis par les voix d’alto pour la réponse, (ici la clarinette).

Entrent ensuite les sopranos 1 qui vont entonner le sujet, suivies par les sopranos 2 sur la réponse. Voici tout le début du choeur, jusqu’à l’entrée des basses. Cette fugue est en effet à cinq voix, ce qui reste assez rare, mais qui correspond à son aspect monumental. Appréciez au passage comment cette entrée des basses est préparée de manière à produire un effet maximal.

Exemple numéro 4

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entrée fugue choeur 3.jpg

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Toutes les voix sont à présent entrées en jeu. Voyons comment la musique va évoluer.

A partir de ce moment, le texte de François Florand prend tout son sens.

Dans le passage qui suit, la voix d’alto se trouve sur la réponse, en fa dièse mineur. Mais sur la mesure 3, les sopranos entrent sur une autre réponse, en do dièse mineur, quinte de fa dièse, (réponse à la réponse?), qui amène une surenchère de tension musicale arrivant à un apogée sur la mesure 5 (note surlignée en bleu), à partir duquel cette tension accumulée va se résoudre dans la tonalité du second degré de si mineur, à savoir do dièse mineur, suivant le principe de la marche harmonique descendante énoncé à l’exemple 2. Comme il a été dit plus haut, tout ceci se trouve à l’état embryonnaire dans l’introduction d’orchestre, et amplifié ici dans ce passage choral.

(Ce principe de marche harmonique descendante pour résoudre la tension musicale me rappelle d’ailleurs mon professeur d’harmonie, Jean Louis Lusignan, alors que j’étais étudiant au conservatoire de Nice. Il nous disait : « il est plus difficile de faire monter la musique que de la faire descendre. Naturellement, la musique descend ». De ce fait il est logique qu’une montée soit génératrice de tension et qu’une descente soit synonyme de résolution de cette tension). 

Exemple numéro 5

Suite choeur 1.jpg

suite choeur 2.jpg

 

 

Je vous propose maintenant d’écouter le tout, depuis l’entrée du choeur jusqu’au passage précédemment entendu. Réécoutez ensuite l’original.

Exemple numéro 6

Rappelons ici le texte de François Florand:

« C’est un procédé très particulier à Bach, qui est fait d’une accumulation intérieure d’énergie, de force émotive, jusqu’au point où l’auteur et l’auditeur sont saturés et comme enivrés ». 

« Es schwindelt… » Et c’est cela le sommet de l’oeuvre ».

 

Petite parenthèse sur la dynamique chez Bach 

Du point de vue de la dynamique, la musique de Bach ne possède pas la richesse, la palette de nuances que l’on trouvera plus tard dans le classicisme, et surtout dans le romantisme. Pas de crescendo ici, pas d’alternance forte piano. En fait cette musique n’en a pas besoin, l’énergie qu’elle dégage étant générée par la seule force de l’écriture. Le délire de Bach, son ivresse musicale, sont absolument contrôlés, et c’est ce qui en fait la force. Au moment du climax (point culminant souligné plus haut) dû à la répétition obsessionnelle du sujet, en si puis en fa dièse (réponse) puis en do dièse (réponse à la réponse), on a l’impression d’un crescendo de nuance alors qu’il s’agirait plutôt d’un crescendo de tension, qui impose de manière obligée l’expression musicale. Il ne faut rien forcer dans cette musique, il suffit de la laisser faire!

Pour citer un exemple opposé, lorsque bien plus tard Beethoven débute sa neuvième symphonie, il commence pianissimo pour s’acheminer vers le fortissimo, en un crescendo orchestral dont il est d’ailleurs un peu l’inventeur. L’expression musicale, l’écriture, sont dans le début de cette symphonie tributaires de ce crescendo. Chez Bach, c’est le contraire. La nuance découle logiquement et implacablement de l’écriture.

La suite du Kyrie. 

Lors de la seconde grande entrée du choeur, il faudra apprécier l’entrée des voix dans l’ordre suivant : basse-ténor-alto-soprano 2-soprano 1. La tension musicale va s’accumuler et se résoudre de la même manière que dans la première partie, pour mener la musique à l’accord final, en tierce picarde. (Accord de si majeur).

Il est inutile je pense de décrire cette suite dans le détail, essayez de tout retrouver à l’écoute. Laissez vous entraîner dans le fleuve!

 

 

 

 

 

 

 

La Faute aux Poètes. Comédie musicale de Jean Louis Ladagnous, Frédéric Lamonzie, Laurent Boyé, Régis Daniel et Pascal Rabatti.

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Le 23 juin 2018, je publiais sur ce site un article évoquant la création d’une comédie musicale écrite pour des élèves musiciens de différents lycées : La Faute aux Poètes, oeuvre pour choeur et orchestre inspirée des cultures occitane et celtique. 

C’est chose faite. Une série de concert a mené les protagonistes de cette oeuvre à Milan, Rodez, Cahors, Montauban, Montpellier et Toulouse.

Pour rappel, La Faute aux Poètes est le troisième volet de La Vengeance du Bourdon, créée en 2008. Dix ans ont en effet passé depuis la « mise à l’eau » de ce fier vaisseau occitan, Le Bourdon, sur lequel un équipage assez inexpérimenté des choses de la mer était amené à vivre des aventures diverses et souvent désopilantes. 

Le concert final, à la Halle aux Grains de Toulouse, a été l’aboutissement d’une tournée qui a commencé à Milan au mois d’avril. Une bonne osmose entre l’orchestre et le choeur a régné ce soir là, et les élèves ont donné le meilleur d’eux mêmes, devant un public d’environ mille personnes. S’étaient joints pour cette soirée des élèves collégiens de Saverdun et Saint Jory.

Rappel sur la trame de ce spectacle

Des chansons de Jean Louis Ladagnous (musique) et Frédéric Lamonzie (textes), chansons largement inspirées de chants de marins et d’ aventures imaginaires, suite de chansons émaillée de pièces pour orchestre de Régis Daniel et de moi même. Avec la participation de Laurent Boyé pour deux arrangements.

La mise en scène était de François Sikic (Monumental Production). Avec Didier Laversenne dans le rôle du capitaine du navire et Antoine Charpentier, cornemusier et enseignant au département musique traditionnelle du conservatoire de Rodez.

La formation

Un orchestre symphonique composé presque exclusivement de lycéens et collégiens, un choeur mixte et une formation de rock à laquelle se sont donc ajoutés des cornemuses écossaises et occitanes, des bombardes bretonnes et autres hautbois languedociens. Tous les arrangements et compositions originales ont donc réalisés par les enseignants responsables du projet.

Cette oeuvre n’aurait pu voir le jour sans le soutient de la FNCS, la Sacem, la région Occitanie, la ville de Toulouse et l’association Ardemus, que tous les acteurs de ce beau projet remercient chaleureusement.

La particularité de La Faute aux Poètes est d’aborder des styles de musique très divers. On y entend en effet des pièces inspirées de chants de marins, chansons d’aventure ou chant à virer, des pièces pour orchestre proches de musiques cinématographiques, du rock et des ballades, ceci en un tout finalement assez unitaire. Les textes sont très travaillés, et s’en dégage très souvent une bien belle poésie.

« Je relis de mes braves les cahiers d’écolier,

Quand passent sous l’étrave mes souvenirs noyés,

Puis au petit matin quand l’Orient me délivre, 

Je range mon chagrin, comme on referme un livre ». 

                                                                                        Frédéric Lamonzie.

Il y eut également quelques moments très drôles, alors que le capitaine Cabitolus et son équipage abordent une île sur laquelle des sirènes délurées discutent sur des dialogues dignes de Michel Audiard. L’arrivée de la sirène Sardinha fut également très remarquée..

Dans l’article du 23 juin, j’avais donné à écouter ma pièce orchestrale Le combat du Kraken mais dans la version maquette. La voici donc jouée réellement par l’orchestre en ce 28 mai à la Halle aux grains de Toulouse. Elle est précédée du moment le plus rock du spectacle, la porte de l’Enfer de Jean Louis Ladagnous et Frédéric Lamonzie.

Ce fut en tous les cas un immense plaisir que de pouvoir diriger cette musique dans une salle aussi prestigieuse que la Halle aux Grains. Je tiens à féliciter et remercier tous les lycéens et collégiens qui ont participé à cette aventure. Puissions nous un jour renouveler cette expérience!

Option musique au bac. En liaison avec la thématique sur Germaine Tailleferre: histoire résumée de l’opéra de sa naissance au XVIIIeme siècle.

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Résumé de l’histoire du genre mettant en lumière quelques points essentiels.

Les débuts.

L’opéra est un genre qui prend naissance en Italie au début du 17eme siècle, grâce notamment à des compositeurs tels que Peri, Caccini ou Monteverdi.

L’opéra débute à Florence avant de se propager dans l’Italie entière. (Rome, Venise puis Naples).

Claudio Monteverdi termine en 1607 son Orfeo, considéré comme l’un des premiers chef d’oeuvre du genre.

Auparavant, Peri et Caccini avaient déjà écrit les deux Euridice, entre 1600 et 1603.

Avec Orfeo, Monteverdi réalise une véritable réussite qui contribuera à l’épanouissement du genre.

Par la suite, il composera d’autres opéras tels que Arianna (dont seul subsiste le très célèbre Lamento) ou Le Couronnement de Poppée (écrit pour l’opéra de Venise).

Par la suite, de très nombreux compositeurs vont se consacrer au genre, et chaque ville y apportera sa contribution. Par exemple, Rome va permettre le développement de l’aria alors que Florence a plus apporté au niveau du récitatif. Venise va apporter le faste des décors, avec des machineries incroyables. (Il faut aussi mentionner qu’à Rome avait été construit au sein d’un palais un théâtre de 3000 places décoré par Le Bernin!).

Les voix les plus appréciées au 17eme siècle en Italie sont celles des castrats dont la mode durera jusqu’au 19eme siècle.

Quelques noms de compositeurs qui ont marqué le genre : Cavalli, Cesti Scarlatti.

En France, il faudra attendre les années 1670 pour que l’opéra s’impose réellement. Lully inaugure en 1672 son théâtre avec « les fêtes de de l’Amour et de Bacchus ». En 1674, c’est la création d’Alceste. Puis arrivera Isis, Phaeton, etc..

Le point de départ de l’opéra en France, c’est la tragédie en musique. L’opéra français va ainsi très vite se démarquer de l’opéra italien, (ce qui peut sembler paradoxal puisqu’il a été inauguré par un italien, mais Lully avait très tôt quitté son pays d’origine). Ce terme d’opéra concernant le goût français est d’ailleurs inadapté. On parle plutôt de tragédie lyrique. Ce genre évoluera très peu de Lully à Rameau car ses canons esthétiques seront fixés dès le début, et feront d’ailleurs l’admiration des autres nations pour leur équilibre et la parfaite adéquation texte-musique.

Avec Rameau commencera une ère nouvelle qui débutera par une querelle entre les partisans de Lully (les lullystes) et ceux de Rameau (les rameauneurs ou ramistes). Ce qui différencie surtout les deux créateurs, c’est que chez Rameau, la musique va supplanter le poème alors que chez Lully, elle lui est totalement inféodée. Il faut dire que les librettistes de Rameau (Fuselier ou Cahusac) n’ont absolument pas le talent de ceux de Lully (Houdard et surtout Quinault), et que Rameau avait bien compris cette nécessité de palier un certain manque de qualités littéraires par sa musique.

Dans la série des quatre mini-opéras de Germaine Tailleferre, c’est « La fille d’opéra » qui est écrit dans le style de Rameau. De nombreux éléments musicaux y font en effet référence.

Les opéras de Rameau ont obtenu un succès immense. Entre 1737 et 1785, Castor et Pollux va connaître 254 représentations, ce qui est assez colossal pour l’époque.

Rameau va également aborder la comédie lyrique avec Platée, véritable ballet bouffon avec cris d’animaux, onomatopées et farces, qui pourrait être mis en parallèle avec l‘opéra bouffe qui va s’épanouir surtout après 1750.

La querelle des bouffons, qui constitue l’une des plus célèbres querelles du monde musical sera déclenchée par une représentation en France en 1752 de La servante maîtresse (la Serva padronna) de Pergolèse. Deux clans se formèrent alors : les partisans de Rameau et de la musique française et les partisans de l’art italien. Cette querelle a servi de catalyseur pour la création d’un véritable opéra comique en France, ce très fameux opéra bouffe qui va grandement s’épanouir durant tout le 19eme siècle.

Le Dies Irae dans l’histoire de la musique

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Le Dies Irae

Thème important dans l’histoire de la musique, le thème du Dies Irae fait partie de la messe des morts, le Requiem. Important parce que privilégié par les compositeurs qui se sont consacrés à ce beau texte qu’est celui du Requiem.

Voici un extrait du texte de la messe des morts

Requiem æternam dona eis, Domine, et lux perpetua luceat eis.

Te decet hymnus Deus, in Sion, et tibi reddetur votum in Jerusalem.

Exaudi orationem meam; ad te omnis caro veniet.

Requiem æternam dona eis, Domine, et lux perpetua luceat eis.

 

« Donne-leur le repos éternel, Seigneur, et que la lumière éternelle les illumine.

Dieu, il convient de chanter tes louanges en Sion ; et de t’offrir des sacrifices à Jérusalem.

Exauce ma prière, toute chair ira à toi.

Donne-leur le repos éternel, Seigneur, et que la lumière éternelle les illumine ».

 

Le texte du Requiem est en fait un texte d’espoir et d’apaisement. Le Dies Irae conserve cependant un caractère assez effrayant.

Le texte du Dies Irae

 Dies iræ, dies illa,                                             

Solvet sæclum in favílla,

Teste David cum Sibýlla !

Quantus tremor est futúrus,

quando judex est ventúrus,

cuncta stricte discussúrus !

Tuba mirum spargens sonum

per sepúlcra regiónum,

coget omnes ante thronum.

Mors stupébit et Natúra,

cum resúrget creatúra,

judicánti responsúra.

Liber scriptus proferétur,

in quo totum continétur,

unde Mundus judicétur.

Judex ergo cum sedébit,

quidquid latet apparébit,

nihil inúltum remanébit.

 

Traduction

Jour de colère, que ce jour-là

Où le monde sera réduit en cendres,

Selon les oracles de David et de la Sibylle.

Quelle terreur nous saisira,

lorsque la créature ressuscitera

pour examiner rigoureusement.

L’étrange son de la trompette,

se répandant sur les tombeaux,

nous jettera au pied du trône.

La Mort, surprise, et la Nature,

verront se lever tous les hommes,

pour comparaître face au Juge.

Le livre alors sera produit,

où tous nos actes seront inscrits ;

tout d’après lui sera jugé.

Lorsque le Juge siégera,

tous les secrets apparaîtront,

et rien ne restera impuni.

Ce texte correspond dans la liturgie au jugement dernier, thème qui a également été traité par de nombreux peintres et sculpteurs. 

https://www.google.fr/search?q=jugement+dernier&source=lnms&tbm=isch&sa=X&ved=0ahUKEwiQlc7vzqfZAhXQGuwKHZcsBKEQ_AUICigB&biw=1280&bih=918&safe=active&ssui=on

On trouve notamment le jugement dernier sur le tympan de l’Abbatiale de Conques. On peut également en voir une fresque à la cathédrale Ste Cécile d’Albi. 

Voici la mélodie grégorienne du Dies Irae. Elle sera reprise tout au long de l’histoire de la musique par de très nombreux compositeurs. (Charpentier, Lully, Berlioz (dernier mouvement de la Symphonie fantastique), Dvorak, Tchaïkovsky, Ysaye, etc…). Il serait inutile et fastidieux de donner une liste exhaustive tant les exemples foisonnent. Cette pléthore  est due d’une part à la grande force expressive qui se dégage de ce thème, et d’autre part aux grandes possibilités de variation et de développement qu’il offre. Cette mélodie telle qu’on la connait aujourd’hui date du XIIIeme siècle, époque à laquelle elle commence à faire partie du corpus grégorien.

Pour plus de précisions, consulter l’article wikipedia à ce sujet.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Dies_ir%C3%A6

 

L’utilisation de la mélodie grégorienne du Dies Irae dans d’autres oeuvres. 

Lorsque Hector Berlioz reprend ce thème, il en fait une parodie, destinée à décrire le moment où celle qu’il aime rejoint la danse infernale des sorcières, alors qu’il est en plein délire. Ce thème servira en partie à conclure la Symphonie Fantastique. La mélodie du Dies Irae apparaît après un célèbre coup de cloche.

Voici un autre exemple, la Danse Macabre pour piano et orchestre de Franz Liszt.

 

Serge Rachmaninov en propose une variation au début de sa première symphonie

 

La Danse des morts d’Arthur Honegger.

 

Le Dies Irae dans le Requiem 

Il existe un grand nombre de Requiem célèbres. Parmi eux il faut citer celui de Mozart, de Berlioz, de Verdi, de Dvorak et de Fauré.

Dans la séquence du Dies Irae, ces compositeurs n’ont cependant pas repris la mélodie grégorienne originale mais ils en ont conservé le texte qu’ils ont mis en musique à leur manière. Façon souvent similaire d’ailleurs puisque le moment du Dies Irae dans un Requiem est généralement tourmenté, sonore, dans un tempo rapide et une orchestration fournie. (Gabriel Fauré faisant toutefois exception à cette règle).

Auditions 

-Dies Irae extrait du Requiem de Mozart. Véritable concentré de musique qui produit toujours beaucoup d’effet.

 

-Dies Irae extrait du Requiem de Berlioz. (Pour le coté spectaculaire : quatre fanfares disposées en quatre coins se répondent au moment du Tuba Mirum!). L’un des moments préférés de son illustre auteur. L’un des plus bruyants aussi. Il faut prendre le temps d’écouter ces douze minutes, cela vaut la peine!

 

-Dies Irae du Requiem de Verdi. (L’un des plus connus, très spectaculaire également, avec des percussions particulièrement affirmées).

 

-Dies Irae du requiem de Dvorak.

 

Le Dies Irae de Fauré est inclus au milieu de la séquence du Libera me. Ce Requiem reflète un grand apaisement par rapport à l’idée de la Mort. Même le Dies Irae n’a pas un caractère véritablement effrayant comme c’est le cas chez les autres.

« (…) Voilà 40 ans que j’accompagne à l’orgue des services d’enterrement, j’ai voulu faire autre chose« , a dit Fauré à propos de son Requiem.

Pour la littérature contemporaine, il existe le très étonnant Requiem de Ligeti

 

Voici enfin le Dies Irae extrait du War requiem de Benjamin Britten.

 

 

Dans la musique plus ancienne, il existe des pages magnifiques de compositeurs qui ont mis en musique le texte du Requiem.

En rapport avec Fauré, voici Libera me, extrait de Officium Defunctorum de Tomas Luis de Victoria.

 

Voici le Dies Irae de Cristobal de Morales (1500-1553), qui reprend le thème textuel pour le traiter ensuite de manière personnelle.

 

Il ne faut donc pas hésiter à aller écouter toutes ces pages qui prouvent à quel point la Mort a de tous temps inspiré les artistes. Par l’art, l’homme cherche des réponses à ses questions, ce qui peut expliquer en partie que le texte du Requiem ait pu être aussi souvent utilisé dans des oeuvres musicales, depuis la renaissance jusqu’à la période contemporaine.

 

L’univers modal. Explications et exemples.

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PREMIERE PARTIE 

Les modes ecclésiastiques 

Pendant environ trois siècles, de 1600 à 1900, la musique occidentale savante a principalement fonctionné sur deux couleurs modales, le majeur et le mineur. En effet, à partir du moment où s’installe la notion de tonalité, les compositeurs écrivent sur la base de la gamme de do majeur et son relatif mineur la.

Mais à la fin du XIXeme siècle, le système tonal a besoin d’être renouvelé. De nombreux musiciens vont alors se tourner vers d’autres gammes, et en particulier vers ce que l’on a appelé les modes ecclésiastiques, ainsi nommés car ils étaient utilisés au moyen age, notamment dans le chant grégorien. Ces musiciens se nomment Franck, Fauré, Debussy, Ravel, Sibelius, pour ne nommer qu’eux.

Obtenir ces modes sur un clavier est très facile. Il faut tout d’abord monter la gamme de do majeur, appelée mode ionien. Ce mode a triomphé durant trois siècles du fait de la très forte attraction que l’on trouve entre la note si appelée sensible et la note do appelée tonique. Cette attraction permet d’obtenir la cadence parfaite, qui peut servir à terminer un morceau de musique de manière très affirmée. La gamme de do majeur est le fondement de la musique dite tonale.

Le mode Ionien 

ionien

Que se passe-t-il maintenant si l’on monte cette même gamme en partant d’une autre note que le do? On obtient une autre gamme. Exemples ci-dessous:

Le mode Dorien 

Si l’on part du ré, on obtient le mode dorien, mode mineur qui possède deux particularités: faire entendre une sixte majeure (ré-si), et un intervalle d’un ton entre la septième note et la note fondamentale (do-ré). Voici ce mode, suivi d’une cadence de même type que la cadence parfaite en do:

dorien

Le mode phrygien 

Si l’on part du mi, on obtient le mode phrygien, autre mode mineur possédant un caractère particulièrement mélancolique car il débute sur une seconde mineure (mi-fa). C’est la raison pour laquelle le mode phrygien est utilisé dans les musiques tziganes et dans le flamenco. Exemple ci-dessous, suivi d’une cadence à forte connotation « flamenca ». Ce mode possède des gammes dérivées dont nous parlerons plus tard.

mode de mi phrygien

Le mode lydien 

Si l’on part du fa, on obtient le mode lydien, très utilisé dans la musique polonaise. Il s’agit d’un mode majeur donnant à entendre la quarte augmentée fa-si naturel, la gamme de fa majeur faisant, elle entendre un si bémol. Ce mode est à rapprocher de la gamme harmonique ou gamme Bartok dont nous reparlerons également plus tard.

mode de fa lydien

Le mode mixolydien

En partant du sol, on obtient le mode mixolydien, autre mode majeur, qui doit sa couleur particulière à la septième mineure sol-fa naturel. (La gamme de sol majeur fait entendre un fa dièse). Le mode de sol est très utilisé dans le jazz et le rock.

myxo

Le mode éolien 

En partant du la, on obtient le mode éolien, mode mineur qui se rapproche du dorien mais qui comporte une sixte mineure la-fa.

eolien

Le mode locrien

Enfin, en partant du si, on obtient le mode locrien très peu utilisé du fait de sa quinte diminuée si-fa qui lui confère un caractère particulièrement instable. On attend en effet toujours avec ce mode une résolution en mode ionien à la manière d’une cadence parfaite, tant il est évident que la quinte juste reste la base de toute notre musique, et qu’une quinte diminuée sonne toujours de manière « non finie ».

mode de si locrien

SECONDE PARTIE 

La couleur modale 

L’un des grands intérêts de ces modes, c’est que chacun possède son caractère, sa personnalité propre. En musique tonale, il y a standardisation de l’ordre des intervalles. Que l’on joue en si majeur ou en ré bémol majeur, cet ordre est le même. (Ton-ton-demi ton, ton-ton-ton-demi ton). Mais en musique modale, cet ordre diffère d’une gamme à l’autre. C’est la raison pour laquelle chaque mode peut évoquer un sentiment ou un style de musique particuliers.

Le mode de ré ou mode dorien. 

Ce mode peut être associé à une certaine mélancolie du passé. Il suffit pour s’en convaincre d’écouter le sublime début de la sixième symphonie de Sibelius. Dans ce début, les cordes seules jouent en effet sur ce mode en conférant à la musique une couleur très particulière.

Sibelius

Il est très facile dans le mode dorien d’improviser dans le style de musiques très anciennes.

impro dorien

Le mode de mi ou mode phrygien

Ce mode est associé à des cultures populaires à la fois tristes et festives. Le mode phrygien est la base d’une certaine musique espagnole. Voici un exemple de ce qui pourrait être une « falseta » de guitariste andalou:

falseta

Comme il a été dit plus haut, le mode phrygien possède des dérivés très intéressants dont voici quelques exemples, parmi lesquels le mode phrygien espagnol, ou gamme andalouse. Mais toutes ces gammes sont également utilisées dans les pays de l’est dans les musiques tziganes.

On y entend des chromatismes, mais également pour certaines des secondes augmentées au caractère bien oriental.

dérivés mode de mi

Au début de son poème symphonique Mazeppa, le grand Franz Liszt utilise l’un de ces modes dans son introduction, pour situer l’action qui se déroule en Ukraine. Voici la ligne jouée par les violons. Elle est ici suivie du mode utilisé, transposé en la. Noter la seconde augmentée si bémol-do dièse.

Mazeppa.jpg

Le mode de fa ou mode lydien. 

Le mode de fa, avec sa quarte augmentée fa-si bécarre, possède lui aussi une couleur très particulière. On le trouve beaucoup dans la musique polonaise. Chopin d’ailleurs, dans l’une de ses polonaises, l’utilise de manière très évidente.

Moussorgski joue lui aussi avec ce mode lorsqu’il compose « Polonaise » dans son opéra Boris Godounov.

Il existe une gamme qui se rapproche du mode lydien: la gamme harmonique ou gamme Bartok. Elle est très utilisée en jazz car elle colle parfaitement avec les accords de septième et neuvième de dominante, base du blues. Maurice Ravel la donne à entendre dans le passage central de son Concerto pour la main gauche, passage fortement inspiré par le jazz.

Voici tout d’abord cette gamme:

Bartok

Et voici ce qu’en fait Ravel, alors que le piano entonne ce passage endiablé. Il va par la suite mêler cette gamme à d’autres modes. Elle est ici transposée en mi. (Mi-fa dièse, sol dièse, la dièse, si, do dièse, ré, mi).

solo milieu impro

Il faut remarquer que Ravel utilise différents modes dans ce passage, le seul dont nous n’ayons pas encore parlé étant la gamme pentatonique, sur laquelle nous reviendrons plus tard.

PETITE PARENTHESE SUR LES MELANGES DE MODES

Voici un autre exemple de mélange de modes, avec le premier thème du second concerto pour violon de Bela Bartok.

concerto Bartok.jpg

Un thème possédant un caractère tzigane assez marqué, et qui va osciller entre trois modes: éolien, dorien et mixolydien. En effet, il commence sur un sol naturel, issu du mode éolien. Par la suite, on entendra un sol dièse, issu du dorien. Mais n’oublions pas que les modes de ré et de la sont assez proches. Il s’agit de deux modes mineurs dont la différence est la sixte, majeure pour le mode de ré, mineure pour le mode de la.

Si l’on veut pousser un peu l’analyse, on constate d’ailleurs que cette alternance entre sol bécarre et sol dièse est pour beaucoup dans la couleur du passage. En effet, le sol naturel est contenu dans les accords des mesures 2 et 4 comme une septième sur un accord de la (avec la neuvième si). A partir de la mesure 5, ce sol naturel disparaît puis revient sur la ligne de basse mesure 7 et enfin sur un accord de mi mineur en quarte et sixte mesure 8.

La mélodie donne également à entendre un ré parfois bécarre, parfois dièse. Le ré dièse est issu du mode mixolydien.

Comme on peut le constater, tout ceci est assez compliqué. L’analyse modale est souvent plus difficile à appréhender que l’analyse tonale.

Fin de la parenthèse.

Le mode de sol ou mode mixolydien. 

Ce mode, très utilisé en jazz et en rock, est aussi présent dans la musique dite classique. Voici La Cathédrale Engloutie, pièce pour piano de Debussy. Le thème principal, qui apparaît après deux pages d’introduction, est une succession grandiose d’accords, en do majeur. Au second système de la partition ci-dessous, on trouve un si bémol, qui nous oriente vers ce mode mixolydien, mode de sol donc, transposé sur do.  La musique est censée décrire l’apparition d’une cathédrale. Le mode ancien utilisé participe donc à la description de l’édifice, ainsi que cette écriture en accords parfaits parallèles volontairement archaïque. On pourrait imaginer un orgue très ancien.

cathédrale

De toutes les pièces pour piano, celle ci reste ma préférée..

Dans la musique populaire, le mode mixolydien tient une grande place.

Voici par exemple une phrase de cornemuse écossaise. Cet instrument ne peut jouer qu’en si bémol et en mi bémol. Sa gamme de base est la suivante:

gamme cornemuse

Gamme mixolydienne en si bémol.

Voici donc une phrase typique:

Parade cornemuse

Noter l’insistance sur la note la bémol.

Pour terminer avec ce mode, une petite visite dans le monde du rock: You really got me des Kinks:

You realy got me

Les exemples de ce type sont innombrables.

Le mode éolien ou mode de la 

Avec ce mode, continuons dans le monde du rock. Le mode éolien est en effet l’un des plus usités par les « guitar heroes » de tout bord.

Lorsque l’on entend ce type de grille:

Dylan, Hendrix

Ou ce type de phrase:

plan Page

On se trouve en mode éolien. Il en existe une infinité d’exemples. On peut pour rester dans les grands standards écouter des morceaux comme Stairway to Heaven de Led Zeppelin ou le magnifique Child in Time de Deep Purple.

Bien entendu, ce mode éolien ne se trouve pas que dans le rock et de nombreux compositeurs de musique savante l’ont également utilisé. L’un des pionniers de la musique modale, Gabriel Fauré, le donne par exemple à entendre au début de sa mélodie intitulée Clair de lune, sur un poème de Verlaine.

clair de lune

Il faut ici noter l’ambiguïté entre la main droite qui joue donc en mode de la (avec des do et fa naturels), et l’accompagnement en arpèges de la main gauche qui donne à entendre des fa dièse et do dièse. (Pour des raisons de commodité de lecture, la musique est ici transposée en la, l’original étant en si bémol mineur). C’est là que réside l’intérêt des modes, mariage réussi entre tradition ancestrale et modernité, à la croisée entre les 19eme et 20 siècles.

Il existe une foule d’autres gammes, dont certaines feront l’objet d’un prochain article.

Olivier Messiaen s’est intéressé à ces gammes en tant que modes à transposition limitée, qui correspondaient à sa philosophie musicale sur laquelle nous ne nous attarderons pas ici.

La gamme par tons, utilisée également par Debussy, qui est une gamme à 6 notes.

gamme par tons

Comme exemple, la pièce intitulée « Voiles » de Debussy

Et les gammes diminuées, assez fréquentes en jazz.

gammes diminuées

Il existe des dizaines de modes différents, qui représentent la combinaison de plusieurs tétracordes. Je pense qu’il est très difficile de les connaître tous. C’est à chacun de s’y intéresser en fonction de ses goûts, de ses aspirations musicales. Les modes extra européens peuvent être une source d’inspiration pour certains, d’autres peuvent rester cantonnés aux modes ecclésiastiques. Dans tous les cas, c’est à chacun de trouver dans cet univers insondable son propre langage. La musique est infinie.

Les grands compositeurs et Noël.

La fête de Noël a inspiré de tous temps de nombreux musiciens. Voici un petit inventaire non exhaustif d’oeuvres illustrant cette thématique. Pas d’analyse ici, mais un simple catalogue. Bonne écoute!

Concerto pour la nuit de Noël de Corelli. Un exemple de ce que l’on a appelé « concerto grosso ».

Oratorio de Noël de Bach.

Un extrait du Messie de Haendel, oeuvre écrite à l’origine pour Pâques, mais plus donnée traditionnellement  au temps de l’Avent, pendant les semaines qui précèdent Noël, cela depuis la mort du compositeur.

Pour le 19eme siècle, voici l’Oratorio de Noël de Camille Saint Saens.

Un extrait de l’Enfance du Christ d’Hector Berlioz (l’adieu des bergers).

L’Arlésienne de Georges Bizet reprend en son début le Noël provençal « La marche des rois ». Il s’agit d’une suite de variations sur ce thème.

Noël, extrait des Saisons de Tchaikovsky (oeuvre composée entre 1875 et 1876). Une valse, qui pourrait se rapprocher dans son esprit de certains extraits de Casse noisettes.

Décembre

La veille de Noël, des jeunes filles lisaient l’avenir :
Elles retiraient leurs souliers et les jetaient dehors.

Passons au 20eme siècle. Voici Le Noël des enfants qui n’ont plus de maison de Claude Debussy, composé en 1915, en pleine guerre mondiale.

Voici le début du texte de cette pièce, écrit par le compositeur lui même :

Nous n’avons plus de maisons !
Les ennemis ont tout pris, tout pris, tout pris,
Jusqu’à notre petit lit!
Ils ont brûlé l’école et notre maître aussi,
Ils ont brûlé l’église et monsieur Jésus-Christ,
Et le vieux pauvre qui n’a pas pu s’en aller!
Nous n’avons plus de maisons!
Les ennemis ont tout pris, tout pris, tout pris,
Jusqu’à notre petit lit!

Bien sûr! Papa est à la guerre,
Pauvre maman est morte!
Avant d’avoir vu tout ça.
Qu’est-ce que l’on va faire ?
Noël, petit Noël, n’allez pas chez eux, n’allez plus jamais chez eux, punissez-les !

De Ravel , Noël des Jouets, sur un texte également écrit par le compositeur. Une musique un peu étrange et fascinante, bien dans l’esprit de son auteur.

Maurice Ravel (1875-1937)

Noël des jouets

Le troupeau verni des moutons
Roule en tumulte vers la crêche
Les lapins tambours, brefs et rêches,
Couvrent leurs aigres mirlitons.
Vierge Marie, en crinoline.
Ses yeux d’émail sans cesse ouverts,
En attendant Bonhomme hiver
Veille Jésus qui se dodine
Car, près de là, sous un sapin,
Furtif, emmitoufflé dans l’ombre
Du bois, Belzébuth, le chien sombre,
Guette l’Enfant de sucre peint.
Mais les beaux anges incassables
Suspendus par des fils d’archal
Du haut de l’arbuste hiémal
Assurent la paix des étables.
Et leur vol de clinquant vermeil
Qui cliquette en bruits symétriques
S’accorde au bétail mécanique
Dont la voix grêle bêle:
« Noêl! Noêl! Noêl!

Cantate de Noel d’Arthur Honneger

A Ceremony of Carol de Benjamin Britten, qui va mêler des passages en plain-chant à des passages polyphoniques parfois d’une très grande difficulté technique.

 Enfin, le très joli Noël Nouvelet, dans la version du compositeur et organiste Jehan Alain.

La fête de Noël a comme on le voit inspiré de nombreux chefs d’œuvre. Il ne s’agit ici que de quelques exemples à écouter. Joyeuses fêtes à tous!

Aperçu sur le jazz-rock (dans le cadre des programmes du bac 2018). Oeuvre de référence: Birdland de Weather Report.

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Le Jazz-rock ou jazz fusion

Style musical qui apparait vers 1970 et qui mêle des éléments du langage du jazz avec d’autres courants musicaux issus du funk et du rock. Les particularités de ce style sont nombreuses.

Tout d’abord, le jazz-rock est presque exclusivement une musique instrumentale, d’un niveau technique généralement très élevé. Les morceaux sont longs, laissant une large part à l’improvisation. Les métriques sont souvent complexes, ainsi que les motifs thématiques. D’autre part, le jazz-rock se démarque du jazz « traditionnel » par l’utilisation d’ instruments électriques tels que guitares et synthétiseurs.

Les origines.

Un des grands pionniers : le trompettiste Miles Davis.

Trompettiste et compositeur, Miles Davis fait partie de ces musiciens qui ont ressenti le besoin de faire fusionner les styles différents que sont le jazz et le rock.

Miles Davis est avant tout l’un des acteurs qui ont popularisé des styles de jazz tels que le jazz modal et le cool jazz. L’un de ses plus fameux albums est Kind of blue en 1959.

https://www.youtube.com/results?search_query=kind+of+blue

A partir de 1964, Davis va fonder un quintette avec les musiciens Wayne Shorter (Saxophone), Ron Carter (contrebasse), Herbie Hancock (clavier), et Tony williams (batterie). En 1966, ce quintette enregistre l’album Miles Smiles dans lequel se trouvent les prémisses de ce qui sera plus tard le jazz fusion.

C’est en 1967 que Miles Davis va modifier l’orientation de sa musique en y incorporant des instruments électriques,  notamment la guitare.  Il faut savoir pour l’histoire que Miles Davis a été particulièrement impressionné par Jimi Hendrix, ce qui a pu influencer ses orientations musicales du moment.

En 1968, l’album Miles in the Sky inclut des instruments électriques comme les claviers joués par Herbie Hancock (Stuff) et la guitare électrique de George Benson (Paraphernalia).

 

 

 

C’est en 1969 que va naître l’album In a Silent Way qui est considéré comme le premier album de jazz fusion de Miles Davis, avec le claviériste Joe Zawinul. Puis l’album Bitches Brew sort environ un an plus tard, avec de nouveau comme musiciens Joe Zawinul, John Mac Laughlin et Wayne Shorter (entre autres). Dans ce dernier album, Miles Davis va réellement abandonner le langage du jazz traditionnel pour adopter un style plus proche du rock pour ce qui concerne l’ improvisation. Par la suite, Miles Davis va créer de nouveaux albums jusqu’en 1975, avant de se retirer de la scène jusqu’en 1981.

 

 

 

 

 

Dans les années 70, le jazz-rock va s’épanouir avec une pléthore d’artistes parmi lesquels d’anciens collaborateurs de Davis sur les deux albums phare In a silent Way et Bitches Brew. On peut citer les guitaristes Larry Coryell, Pat Matheny et John Mac Laughlin, les batteurs Billy Cobham et Tony Williams, les clavieristes Herbie Hancock, Chick Corea (Return to Forever). Enfin, Joe Zawinul et Wayne Shorter avec le groupe Weather Report. Ce groupe est à ses débuts tourné vers l’avant-garde et la fusion, avec des plages durant parfois près de 30 minutes. Avec le morceau Birdland, le ton sera plus « commercial » mais le groupe remportera grâce à ce titre un grand succès.

Voici deux beaux albums: Return to forever de Chick Corea et American Garage de Pat Metheny

 

 

 

Le morceau Birdland de Weather Report 

Pour le bac 2018, plusieurs versions de ce morceau sont proposées.

Voici celle de l’ensemble Hyperion

Particularités : version acoustique. Avec Flûte, hautbois, violon, alto, violoncelle et contrebasse.

Cette version s’éloigne de la version originale tout en s’en rapprochant par de nombreux aspects. L’arrangement est de Stephano Cabrera.

Commentaire détaillé, période par période 

-Introduction jouée par la contrebasse en pizzicato. Cette introduction n’est jouée ici que deux fois avant l’apparition du motif A. (Trois fois dans l’original). Sur la seconde apparition de l’introduction apparaissent des batteries de croches jouées par le violon. Ces batteries sont omniprésentes dans l’extrait, dans l’esprit de l’ écriture classique. Elles servent à compenser l’absence de percussions.

-Apparition du motif A, joué en harmoniques au violoncelle auquel se joint plus tard l’alto (0.26) en tierces parrallèles. Ces sons harmoniques (joués sul ponticello) cherchent à se rapprocher de la basse de Jaco Pastorius qui dans la version originale fait son entrée sur des harmoniques artificielles.

-Sur le motif B, (0.38) les batteries de croches vont cesser, mettant bien en valeur la richesse rythmique et harmonique de l’ensemble. Accords descendants d’esprit « Big band » joués par les vents le violon et l’alto et soutenus par une ligne de basse ascendante en contretemps. Ce contrepoint rythmique ne nécessite pas de batteries de croches, l’écriture en contretemps suffisant à faire avancer le discours.

-A la 48eme seconde reprennent les batteries de croches auxquelles vont se superposer des doubles croches, laissant apparaître à 0.58 le motif C. Ici ce sont les vents qui jouent le thème, alors que les cordes les soutiennent par le rythme en batteries. A 1.09 apparaît un contrechant de contrebasse reprenant la version d’origine avec ses notes longues et ses glissandos. Il est tout d’abord joué par la contrebasse, à laquelle se joint plus tard le violoncelle, ce qui correspond bien entendu aux doubles cordes qu’utilise à ce moment là Jaco Pastorius dans la version originale.

-A 1.22 survient le motif C a la flûte et au hautbois et soutenu par des batteries et un contrechant joué par l’alto. D’autre part, se rajoute un rythme joué en « Chicharra »c’est-à-dire en martelant avec l’archet les cordes entre le chevalet et le cordier. Ce mode de jeu spécifique est très utilisé par les joueurs de tango. (Chicharra signifie cigale). On peut obtenir un effet similaire en étouffant les cordes avec la main gauche et en les martelant avec l’archet.

-A 1.33 survient le motif de basse d’esprit « funky » joué par la contrebasse et le violoncelle. Contrairement à la version originale dans laquelle il est joué legato, il est ici d’esprit staccato. D’ailleurs, le staccato est dans la version Hyperion l’une des articulations privilégiées. Hommage aux grands classiques ?

-Le refrain est amené par un passage de transition sur des batteries de croches auxquelles se rajoutent des trilles.

-A 1.46 arrive donc ce que l’on pourrait appeler le refrain, d’esprit léger joué par les vents. Sur des batteries de violoncelles, cependant que la contrebasse reprend la ligne originale de Pastorius, flûte et hautbois entonnent la mélodie, soutenue par le violon et l’alto.

-Un passage de transition donnant à entendre des sons harmoniques (2.27) et des chicharras (2.29) mène au moment suivant, sur un motif répété d’esprit pentatonique. (2.33). L’élément mélodique est ici joué par la contrebasse et le violoncelle.

-A 2.52 apparaissent ces fameux accords de septième diminuée chromatiques descendants répétés 7 fois, sorte de climax du morceau qui soutient ici un solo de violon délirant dans l’esprit d’une improvisation de Jimi Hendrix ! Puis retour au calme.

 

La version de Quincy Jones

Commentaire détaillé de Birdland version Quincy Jones (1989).

Tout d’abord, voici les musiciens présents sur le disque « Back on the Block »duquel est extrait l’arrangement :

Ella Fitzgerald (chant), Miles Davis et Dizzy Gillespie (trompettes solistes), Gary Grant et Jerry Hey (trompettes), Bill Reichenbach Jr. (trombone), James Moody (saxophone soliste), Georges Benson (guitare soliste), Nathan East (basse), Joe Zawinul (synthétiseur), Michael Boddicker et Michael C. Young (programmations synthétiseurs), Quincy Jones et Rod Temperton (arrangements, frappements de mains), Ian Prince (arrangements, claviers), Ian Underwood (frappements de mains) et Larry Williams (claviers, saxophone)

Introduction dite deux fois avant le thème A, tout comme dans la version Hyperion. Présence de percussions lors de cette introduction. (Congas). Sur le deuxième énoncé de cette introduction arrive une percussion mélodique sur les notes fa-sol.

Entrée du motif A soutenu par une percussion en « after beat ». Ceci est différent des autres versions. En effet, dans la version originale, les quatre temps de la mesure sont marqués. Le tempo est d’ailleurs ici un peu plus lent que dans les autres versions.

A 0.43, c’est le motif B de type big band qui apparait. Percussion en after beat très marquée, typique des années 80-90.

A 0.57 c’est la partie C avec rajout de basse en slap et en contretemps. Peu après sur cette partie se rajoutent des voix en chœur (1.13) (yeah ! Birdland !)

A 1.27, autre passage orchestral qui donne la part belle aux instruments à vent tels que cuivres et saxophones.

A 1.46, solo de trompette par Miles Davis au style très aisément reconnaissable. Ce solo est précédé du motif de basse en octaves de type funky qui va être utilisé comme ostinato dans cette version. Juste après l’intervention improvisée de Davis arrive le saxophone (à 2.00) en improvisation également.

Puis retour au motif entendu à 1.27 suivi d’une brillante improvisation à la guitare par George Benson. La collaboration entre Benson et Miles Davis n’est pas nouvelle.  N’oublions pas que le guitariste est présent en 1968 sur le morceau « Paraphernalia » du disque « Miles Smile », (album cité plus haut comme l’un des premiers à intégrer dans le jazz des instruments électriques).

A 3.00 arrive ce que nous appelons le refrain. A 3.29 on entend un bref passage de transition avec improvisation scat à la voix d’Ella Fitzgerald. Cette improvisation va se prolonger a 3.36 sur les accords chromatiques descendants de septième diminuée.

Le morceau se termine sur des phrases très virtuoses jouées par Benson.

 

Et la version de Manhattan Transfert

 

Que l’on pourrait rapprocher par exemple de cette version de Moanin’ de Bobby Timmons.

 

Ou pourquoi pas de la version assez réussie de Smells Like Teen Spirit de Nirvana par l’ensemble vocal The Flying Picketts.

 

Jaco Pastorius (1951-1987)

La carrière du groupe Weather Report s’épanouit vraiment à l’arrivée de ce bassiste emblématique et charismatique, en 1976. Il faut dire que ce musicien a influencé nombre de ses contemporains en imposant la basse électrique non plus comme un simple soutient du discours, mais comme un instrument soliste à part entière.

La basse « fretless » : sur une basse Fender, Pastorius a enlevé les frettes afin de retrouver le toucher propre à la contrebasse.

La technique instrumentale : Jaco Pastorius a permis l’épanouissement d’une technique très virtuose dans laquelle alternent phrases rapides, sons harmoniques naturels et artificiels, doubles cordes, jeu en accords, glissandos.. On lui doit notamment une version pour basse de la Fantaisie Chromatique de J.S.Bach (du moins dans son début).

Les influences : il s’est dit influencé par des musiciens de jazz tels que Herbie Hancock, Luis Armstrong, Charlie Parker, mais également par des compositeurs tels qu’Igor Stravinsky ou Paul Hindemith. Les musiciens de rock, et notamment de rock progressif figurent également parmi ces influences. On peut ainsi citer Jimi Hendrix (qu’il singe parfois en concert en jouant de la basse avec ses dents..) ou Frank Zappa, pour n’en citer que deux.

La sonorité: immédiatement reconnaissable, le son de la basse de Pastorius n’est pas un son sourd et enveloppant. Il est au contraire très clair et c’est ce qui permet au musicien de mettre son instrument au même plan que les autres. On trouve des sonorités similaires dans le très fameux « Tutu » de Marcus Miller et Miles Davis.

Le succès commence pour Pastorius en 1970 avec le guitariste Pat Metheny (né en 1954) et le pianiste Paul Bley (1932-2016).

Il enregistre en 1975 un album intitulé « Jaco Pastorius » qui va lui apporter la célébrité et dans lequel il impose réellement sa manière de concevoir la basse électrique.

En 1976, il rejoint donc Weather Report aux côtés de Jo Zawinul (1932-2007) et Wayne Shorter (né en 1933) ce qui va permettre au groupe de connaître un succès planétaire. Zawinul le surnomme « Jaco the catalyst » tant il est vrai que le musicien catalyse réellement l’attention du public par son jeu de scène et sa seule présence.

Pastorius participe également à de très nombreux enregistrements avec Pat Metheny, Herbie Hancock et même Michel Polnareff !

C’est à cette période qu’il commence à souffrir de symptômes tels que psychose maniaco-dépressive dus en partie à une trop forte consommation de drogues et d’alcool.

Il publie en 1981 son dernier album avec Weather Report, album qui sortira en 1982. Mais ses troubles du comportement vont empirer et le mener peu à peu vers la folie, folie qui va lui fermer nombre de portes. (Les anecdotes abondent mais n’ont pas leur place ici). En 1986, il se retrouve SDF. Le 11 septembre 1987, il est violemment battu par le responsable du Midnight Bottom Club et sombre dans un coma d’où il ne ressortira pas. Il meurt 10 jours plus tard.

Quelques morceaux qui ont jalonné sa carrière :

« Chiken », avec ici le guitariste John Scofield.

Le même dans la version Maceo Parker

 

Plus « expérimental », le morceau « Third stone from the Sun », avec Weather Report.

On peut le voir dans cette vidéo où il reprend Purple Haze de Jimi Hendrix:

Un film documentaire sur Jaco Pastorius a été réalisé en 2014, produit notamment par Robert Trujillo, bassiste du groupe Metallica.

Un autre bassiste de cette époque peut être comparé à Jaco Pastorius. Il s’agit de Stanley Clarke. Peut être moins expérimental que Pastorius mais tout aussi virtuose. Voici une morceau assez réussi intitulé « East River Drive », suivi de « Beyond the seventh galaxy » de Corea. On appréciera ici la virtuosité extrême du bassiste, et sa technique de main droite au jeu en buté extrêmement rapide.

 

Voici pour conclure un petit aperçu de solos de basse qui prouvent à quel point la technique de l’instrument a pu évoluer durant toutes ces décennies.

 

 

 

Le Mahavishnu Orchestra.

Fondé par le guitariste virtuose John Mac Laughlin, le Mahavishnu Orchestra fait partie des formations incontournables lorsqu’il s’agit d’évoquer ce courant musical qu’est le jazz fusion. Cet ensemble comprend le batteur Billy Cobahm, le claviériste Jan Hammer, le violoniste Jerry Goodman et le bassiste Rick Laird. La musique du groupe est globalement marquée par le rock progressif psychédélique et les musiques indiennes traditionnelles dont John Mac Laughlin parfait la connaissance grâce à Sri Chinmoy. Du point de vue rythmique, on entend ici une métrique complexe. Les thèmes sont souvent répétitifs, et guitare et violon sont souvent en dialogue sur des improvisations étourdissantes.

Voici pour écouter le très fameux morceau « Birds of Fire », extrait de l’album éponyme de 1973.

Tout aussi fameux, le morceau Meeting of the Spirits, de 1971. Basé sur un ostinato à la guitare bien typique du style de John Mac Laughlin.

(Article en cours d’élaboration).

Les canons de l’Offrande Musicale de Bach. Enigmes contrapuntiques.

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En mai 1747, Jean Sébastien Bach rend visite à son fils, Carl Philipp Emmanuel à Postdam, alors que celui ci est au service du roi de Prusse, Frédéric II.

Frédéric II est grand amateur de musique, et il joue de la flûte. Il va proposer à Bach d’improviser une fugue sur un sujet qu’il lui donne.

Voici ce thème:

thème royal.jpg

Thème sur lequel Bach, de retour chez lui, travaillera durant deux mois pour proposer enfin à Frédéric II une « Offrande Musicale », constituée d’une suite de canons, de deux fugues, l’une à trois voix l’autre à six, et d’une sonate en trio, toutes ces pièces étant basées sur ce thème royal. C’est à la suite de canons que nous allons nous intéresser ici.

Dans la partition originale, ces canons sont proposés sous forme d’énigmes à résoudre, ce qui n’est pas toujours aisé, comme nous allons le constater.

Le premier de ces canons est cependant assez facile à trouver. Une seule portée avec une clef au début et une à la fin. Il s’agit d’un canon « en écrevisse », c’est à dire une pièce dont la seconde voix est réalisée en remontant la première en partant de sa fin. Le thème royal est ici modifié rythmiquement pour des nécessités d’écriture.

Cette prouesse contrapuntique peut être apparentée au célèbre ruban de Moebius. Une animation particulièrement réussie réalisée à partir de ce canon peut être visionnée à ce lien:  https://www.youtube.com/watch?v=xUHQ2ybTejU

Voici tout d’abord la partition telle qu’elle se présente

canon1 original

Et en voici la réalisation

ecrevisse.jpg

Le deuxième canon est également aisé à résoudre. Il s’agit d’un canon à l’octave entre deux voix. Le thème royal se trouve à la basse.

Voici la partition originale

canon 2

Et voici la réalisation

canon 2 v a l'octave..jpg

Le troisième canon, un peu plus complexe, est un canon par mouvement contraire.

Voici la partition originale

Remarquer la clé d’ut 3eme ligne renversée sur la portée du bas. Pour déduire la partie manquante, il faut donc retourner la partition et lire ainsi la ligne obtenue. Un problème se pose cependant avec les altérations, sujet à discussion. On va trouver dans ce canon des frottements harmoniques assez âpres, donc savoureux. Le thème royal est ici dans le registre aigu. canon 3

Voici la réalisation de ce canon

canon mtum contrarium..jpg

Le canon numéro 4 est l’un des plus complexes de la série. Il est en effet en mouvement contraire et en augmentation. Pour information, traiter une ligne mélodique en augmentation consiste à la présenter en valeurs plus longues. Dans le cas présent, le temps est doublé pour la voix à déduire : une noire remplace une croche, une croche remplace une double croche, etc.. De même que pour le canon précédent, on remarque sur la portée du bas une clé de sol inversée qui va donc indiquer les notes à trouver, en retournant la partition.

Voici la partition originale

canon 4.jpg

Le thème royal se trouve ici sur la ligne du dessus, présenté de manière variée. Dans la réalisation ci-dessous, il est au milieu.

Voici la réalisation de ce canon

canon 4 1.jpg

canon 4 2.jpg

canon 4 3.jpg

Pour écouter cette pièce plus en détail, voici les deux voix en canon, sans la voix centrale. On pourra ainsi apprécier pleinement ce principe d’écriture en augmentation avec mouvement contraire, qui prouve l’incroyable maîtrise du compositeur dans le domaine de l’écriture rigoureuse. Le problème est d’autant plus ardu que la partie en augmentation dure deux fois plus longtemps que la partie originale, ce qui fait que cette dernière doit donc être pensée de manière à s’accorder avec son double augmenté alors qu’elle est jouée deux fois, et cela avec la troisième voix donnant une variation du thème royal ! C’est assez vertigineux.

canon 4 aug 1.jpg

canon 4 aug 2.jpg

Le canon numéro 5 est un canon modulant. En effet dans ses dernières mesures, il change de tonalité à distance d’un ton du ton d’origine. Il commence donc en ut mineur pour passer en ré, puis en mi, puis en fa dièse, sol dièse, si bémol, puis revient logiquement sur la tonalité d’origine ut. On a comparé ce canon à une vis sans fin. Dans l’idée de Bach, cette ascension modulante est censée symboliser la gloire ascendante du roi Frédéric II. On pourrait le jouer à l’infini, en partant du registre grave pour s’acheminer vers le registre aigu, jusqu’à l’inaudible. La musique irait ainsi se perdre dans le silence des hauteurs inaccessibles.

canon par tons 1.jpg

canon par tons 2.jpg

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canon par tons 4.jpg

La pièce qui suit, intitulée Fuga canonica in Epidiapente est en fait un canon à la quinte accompagné par une basse en contrepoint libre.

En voici la partition telle qu’elle se présente au début

canon 6.jpg

La première voix est en clé d’ut première, la seconde en clé de sol première. Cette seconde voix à la quinte rentre sur la mesure 11. Les entrées des voix se font sur le thème royal.

Le canon numéro 7 est un canon perpétuel.

En voici la partition telle qu’elle se présente

canon 7

En voici la réalisation

canon  7.jpg

Le canon qui suit, le numéro 8 est également un canon perpétuel dont la deuxième voix est l’inverse de la première. On trouve ce procédé dans les fugues « rectus-inversus » de l’Art de la Fugue.

Voici tout d’abord le début de la partition originale. Le canon se joue entre les deux voix du haut, la basse étant en contrepoint libre.

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Voici pour montrer le principe d’écriture, les deux voix superposées. On peut ainsi apprécier (visuellement bien entendu) le jeu de mouvements contraires.

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Voici enfin les deux voix en canon.

Pour terminer cette suite,  les deux derniers canons, précédés de la mention « quaerendo invenietis » qui signifie « c’est en cherchant qu’on trouve ».

Voici la partition du numéro 9

Remarquer la clé de fa renversée

canon 9

Et sa réalisation

canon 9.jpg

Le canon numéro 10, à quatre voix.

Canon 10.jpg

La phrase d’introduction, d’une très grande beauté mélodique, est une variation (en sol) du thème royal. Les entrées des quatre voix se font toutes les huit mesures, sur le motif en double croches, facilement repérable, à la fin de la deuxième ligne.

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Comme on peut le constater, ceci est tout à fait passionnant, d’autant plus qu’il se dégage de toutes ces pages d’apparence austère une immense poésie, qui émane de chacune des pièces de cette Offrande Musicale, qu’il s’agisse de ces canons qui restent des miniatures musicales, ou qu’il s’agisse de l’immense ricercare à six voix ou de l’admirable sonate en trio.

Ne pas hésiter donc à se plonger dans cette oeuvre à l’inspiration inépuisable.

On peut également se plonger dans la lecture de Gödel, Escher, Bach : Les Brins d’une Guirlande Éternelle  de Douglas Hofstadter. Un parallèle intéressant entre le mathématicien Gödel, le dessinateur Escher, célèbre pour ses perspectives impossibles tendant vers l’infini, (https://www.google.fr/search?q=escher&client=firefox-b&source=lnms&tbm=isch&sa=X&ved=0ahUKEwiNoZjV8_LUAhWHXhoKHbNtB2kQ_AUICigB&biw=1280&bih=915) et l’écriture contrapuntique de Bach. Hofstadter y insiste d’ailleurs particulièrement sur le canon modulant de l’Offrande Musicale.

Au sujet de cet article

Cet article ne prétend absolument pas proposer quelque chose de nouveau sur l’Offrande Musicale, oeuvre qui a déjà fait l’objet de nombreuses analyses et interprétations. J’avais envie depuis longtemps de regarder de près cette partition fascinante et énigmatique. C’est la seule raison pour laquelle j’ai eu envie de l’écrire, et ainsi de le publier sur ce site. 

Un projet original. Création en 2018 d’une comédie musicale « La Faute aux Poètes ».

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Pour l’année scolaire à venir, les lycéens musiciens de Cahors, Montauban, Muret et Rodez vont avoir l’occasion de participer à une création originale, inspirée des cultures occitane et celtique.

Les enseignants responsables des sections musique des lycées de ces quatre villes n’en sont pas à leur coup d’essai. La Faute aux Poètes sera en effet leur troisième création, qui se situe dans la continuité de La Vengeance du Bourdon (2008) et de Lune et Compas (2011).

La trame de ce nouveau spectacle

Des chansons de Jean Louis Ladagnous (musique) et Frédéric Lamonzie (textes), chansons largement inspirées de chants de marins et d’ aventures imaginaires. Pièces pour orchestre de Régis Daniel et Pascal Enzo Rabatti. Se rajoutera Laurent Boyé pour les arrangements.

La formation

Un orchestre symphonique composé exclusivement de lycéens, un choeur mixte et une formation de rock à laquelle viendront s’ajouter des cornemuses écossaises et occitanes, des bombardes bretonnes et autres hautbois languedociens. Tous les arrangements et compositions originales seront donc réalisés par les enseignants responsables du projet.

Le public se trouvera ainsi embarqué avec les protagonistes sur un bateau pour y vivre des épopées délirantes dignes de certaines superproductions cinématographiques.

L’imaginaire sera au rendez vous, et la magie opèrera.

La suite de chansons est émaillée de pièces orchestrales. Une ouverture fera le lever de rideau, une gigue servira de conclusion. Entre temps, une attaque de Kraken (monstre marin légendaire) donnera au spectacle un côté fantastique. C’est ce moment que nous allons faire écouter ici.

Cette pièce, Le Combat du Kraken pourrait se rapprocher de certains films d’aventure qui ont connu ces dernières années un succès retentissant.

Description sommaire de la pièce.

Après une introduction mystérieuse, l’orchestre va entamer un passage en écriture fuguée symbolisant l’arrivée du monstre. La musique est à ce moment atonale, ceci renforçant son caractère inquiétant.

Il va s’ensuivre une transition qui mène à un nouveau thème, modal celui là, de caractère épique. Il sera aisé de le reconnaître à l’écoute de la pièce. Ce thème est directement inspiré de la musique de cinéma, et il est joué par les cuivres. Cors et trombones tout d’abord, trompettes ensuite.

Le passage qui suit relate le combat entre le monstre et l’équipage du navire, qui finira par vaincre. La musique va mêler les deux thèmes en un fatras assez dissonant.

La fin du morceau raconte la violence du combat et l’agonie du monstre. Des clusters se font entendre, martelés par une partie de l’orchestre.

Voici donc pour écouter cette pièce, une version midi. La création aura lieu à Rodez le 2 mai 2018. Dès le mois de septembre débuteront les répétitions.