Commentaire du Concerto pour la main gauche. (Huitième partie: le jazz)

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Suite du chapitre 7.
Passée l’introduction le piano va donner à entendre un nouveau motif ressemblant dans son esprit à une improvisation, cela sur un ostinato omniprésent. Nouveau motif ? Comme le dit Ravel, on s’apercevra plus tard que ce passage est en fait issu des thèmes principaux du concerto.

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La dernière note de cette page, le si bémol, peut être considérée comme une note bleue sur l’accord de sol (sol si ré fa si bémol), mais aussi comme un rappel du début de l’oeuvre car le si bémol est la note qui sert de jonction entre le thème A et le thème B. Les thèmes principaux de l’oeuvre sont ainsi présents en filigrane dans ce passage. Ils le seront de manière plus évidente par la suite. (Notamment le thème B).

La phrase énoncée ci-dessus  est basée sur plusieurs échelles. Une gamme harmonique (ou gamme « Bartok » pour les jazzmen), une gamme pentatonique de si, un mode de ré (transposé sur mi), et un mode de sol.

Ci dessous voici les gammes utilisées par Ravel.

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Noter que tout ce passage se déroule sur pédale de mi avec l’ostinato du début. (Sol dièse sol bécarre).

Au chiffre 19 nous retrouvons la descente en accords parallèles au piano tout d’abord puis aux trompettes. (Inversion des rôles).

Au chiffre 21, retour au motif d’esprit improvisé mais cette fois la partie qui était auparavant en mode de sol passe en mode de sol transposé sur si bémol. L’accompagnement reste alors sur pédale de mi mais les accords de cordes s’enrichissent aux violons d’un si bémol, d’un ré dièse (7eme majeure de mi), d’un sol dièse et d’un fa bécarre (9eme mineure de mi).

C’est au chiffre 23 que l’accompagnement change. Exemple ci dessous.

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Changement également d’armure donc de tonalité. On serait d’après cette armure en si majeur ou sol dièse mineur. En fait par le si dièse, on se trouve en tonalité de sol dièse majeur, pour s’acheminer à la fin de la séquence sur la magnifique montée arpégée de l’accord de ré dièse mineur avec 7eme, 9eme et 11eme. (Cela juste avant le chiffre 24).

L’accompagnement est réalisé par des cordes en pizz et des vents ayant repris l’ostinato.

Pour  terminer ce passage, Ravel va utiliser une gamme pentatonique de ré dièse, tout d’abord aux vents puis au piano. (Chiffre 24).

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Après un bref moment de suspension, la musique donne à entendre un nouveau motif. (Chiffre 25). Ce passage sera l’objet du prochain chapitre.

Commentaire du concerto pour la main gauche. (Septième partie)

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Passage central

Le chiffre 14 aborde un autre univers, celui du jazz. Mais un jazz délirant et démoniaque qui va donner la part belle au dialogue en forme de lutte entre le soliste et l’orchestre.
Tout commence donc par cette chute brutale au chiffre 14 qui nous mène dans une tonalité de mi majeur, référence au début de l’oeuvre qui se situait sur pédale de mi.

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Mi majeur ou mi mineur ? C’est ici une des questions à poser puisque Ravel, en référence au jazz, va osciller entre les deux tonalités. En effet, si l’on regarde la partie de cordes, on remarque la superposition du sol naturel au sol dièse aux violons ainsi que le balancement entre ces deux notes aux parties d’alto cor et trombone. La descente en accords parallèles jouée par les trompettes se termine également sur un accord de mi mineur. Cette descente sera reprise de manière textuelle par le piano au chiffre 16.

Le sol bécarre est en fait la « blue note », la note bleue chère aux joueurs de blues et aux jazzmen en général. (Ravel utilise la blue note dans d’autres œuvres, qu’il s’agisse du blues de la sonate pour violon et piano ou de l’ostinato qui ouvre le scherzo de la très étonnante sonate pour violon et violoncelle. On la trouve également dans le second thème du premier mouvement du concerto en sol).

Exemples ci-dessous : accords au piano (plaqués puis arpégés). Le dernier exemple fait entendre la gamme pentatonique, gamme du blues par excellence qui se retrouvera par la suite dans la partie de piano.

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Au chiffre 15 commence la partie concertante dans laquelle le soliste et l’orchestre vont s’échanger des motifs en une joute qui mènera au passage ultime précédant la dernière cadence du soliste.

Exemple ci-dessous.

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Suite au huitième article

Commentaire du Concerto pour la main gauche de Maurice Ravel. (Sixième partie).

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A partir du chiffre 10, survient un nouvel épisode mêlant soliste et orchestre. Cet épisode est basé sur le premier thème qui va se retrouvé répété par différents instruments en paliers successifs, cela dans un esprit de tension croissante.Ce passage va nous mener à l’un des principaux climax de l’oeuvre.

Le cor anglais joue donc le thème A, soutenu par des arpèges de grand ambitus joués par le piano et des accords tenus par les cordes, en tonalité de si bémol mineur.

Les accords utilisés : si bémol mineur avec sixte ajoutée (sol bécarre) puis mi bémol avec 7eme et quinte augmentée. Remarquer le dernier accord qui donne à entendre un arpège de sol majeur sur une pédale la bémol mi bémol.

Deux exemples à écouter: le tout et la partie de piano solo.

chiffre 10 A.jpgchiffre 10 B.jpg

 

Puis la clarinette reprend à son tour la thème en la bémol mineur.

Après ces deux exposés du thème, nous arrivons sur la partition au chiffre 12.

On entend toujours la thème A mais cette fois légèrement varié et divisé entre deux pupitres : bassons puis clarinettes tout d’abord, cor puis groupe basson hautbois flûtes ensuite.

La tonalité est alors fa dièse mineur.

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chiffre-12-b

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Intéressante est ici la progression des tonalités :

-Chiffre 10 thème au cor anglais en si bémol mineur.

-Chiffre 11 thème à la clarinette en la bémol mineur.

Chiffre 12 thème aux bassons puis clarinettes en fa dièse mineur.

La ligne de basse suit cette progression diatonique si bémol, la bémol, fa dièse (alias sol bémol) pour finalement se retrouver sur pédale de mi (cf le début de l’oeuvre) au chiffre 13.

C’est au chiffre 13 que les choses se précipitent. Le discours devient en effet plus haletant. Une brève phrase issue du thème A se retrouve répétée de plus en plus haut et de plus en plus vite jusqu’au chiffre 14.

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Durant ce passage, le piano se fond dans l’ensemble avec une écriture très virtuose en triolets de doubles croches, avec des arpèges couvrant une grande étendue du clavier.

Tout d’abord jouée par les violoncelles et altos, cette phrase va ensuite se trouver aux violons 2 puis aux violons 1 auxquels vont se rajouter les bois, cela dans un esprit de crescendo général qui mène la musique à un point culminant de tension, qui va trouver sa résolution par une chute brutale vers le passage central du concerto, véritable jazz démoniaque qui va donner la part belle au duel soliste-orchestre. 

La septième partie traitera de l’analyse du passage central de ce concerto.

 

Commentaire du Concerto pour la main gauche de Ravel. (Cinquième partie)

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Voici donc en exemple un extrait de la cascade de notes qui conclut la première cadence de piano.

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Après cette cadence arrive le second passage orchestral qui va faire entendre le premier thème dans la triomphante tonalité de ré majeur, et en reprenant ce que jouait le piano dans la cadence (accords et basse sur la et ré). Au chiffre 7, climax d’intensité sonore soutenu par une basse donnant à entendre un rythme cher à Ravel, un rythme de habanera. Il s’ensuit un decrescendo qui mène à la seconde entrée du piano.

Magie absolue dans ce passage suspendu sur le silence et le temps. Voyons tout d’abord de quelle manière ce que nous appellerons le thème C est amené.

Au chiffre 8 donc va se terminer le passage orchestral. Pour l’instant, le piano et l’orchestre n’ont pas encore joué ensemble. C’est ici que va commencer le mélange des deux, en un passage qui pourrait évoquer les concertos de Frédéric Chopin. Un accord de fa dièse majeur tenu par les cordes qui soutient des arpèges de cet accord parfait sur un grand ambitus. Cinq mesures après le chiffre 8, soudain changement de couleur par l’arrivée du la bécarre qui fait basculer la musique dans la tonalité homonyme de fa dièse mineur. Ce la bécarre correspond à l’entrée du thème C.

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Il s’agit d’un des sommets d’expression du concerto pour la main gauche. Il faut ici admirer la science à la fois de l’écriture pianistique, qui fait entrer tout un contrepoint dans les cinq doigts de la main gauche, mais également de l’harmonie. Cette harmonie ravélienne qui donne à entendre des dissonances savamment présentées ainsi que des modulations prodigieusement expressives. Le majeur et le mineur, par exemple se côtoient et donnent au discours un caractère particulièrement bouleversant.

Le thème C ne se retrouvera par la suite que dans la cadence finale, qui sera commentée plus loin.

Suite de l’analyse au chapitre 6.

Commentaire du concerto pour la main gauche de Maurice Ravel (quatrième partie). Entrée du soliste.

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Suite du précédent

Avec une entrée fracassante, le piano donne le ton de l’oeuvre qui sera un combat. Tout le début de cette cadence va se dérouler sur pédale de la (Veme de ré) en donnant à entendre tout d’abord une succession descendante d’accords de quintes à vide sur une gamme pentatonique. (la si ré mi sol la). Cela sera suivi d’arpèges ascendants qui couvrent une grande étendue sur le clavier.
Intéressante est la manière avec laquelle Ravel arrive (enfin) sur la tonalité de ré. Une mesure avant l’indication « A tempo », il propose une succession d’accords graves très dissonants avec pédale ouverte, au milieu desquels se trouvera le ré sur deux octaves. Une fois obtenue cette masse sonore, le pianiste n’a plus alors qu’à lever la pédale en laissant appuyées les deux touches de ré, les deux notes semblant ainsi surgir de nulle part.
La suite de la cadence reprend le thème A de manière apaisée et lumineuse.

Thème A piano.jpg

 

Moment de magie qui donne la part belle aux accords de septième et aux appogiatures, sur une pédale en ostinato basée sur les notes la et ré, instaurant définitivement la tonalité fondamentale de l’oeuvre.

La suite de la cadence amène après une phrase de virtuosité basée également sur les notes la et ré un nouveau motif issu bien entendu du thème A.

variante thème A piano.jpg

Accords parfaits parallèles en renversements de quarte et sixte soutenus par une basse insistant sur les degrés fondamentaux de la tonalité de ré. .

Ce motif sera repris en paliers ascendants de manière de plus en plus agitée pour terminer cette première cadence sur des accords donnant un mouvement contraire entre graves et aigus et suivis d’une véritable cascade de notes qui mène à l’entrée du tutti sur le thème A.

Suite au chapitre 5

Pour un commentaire du Concerto pour la main gauche de Ravel (Troisième partie)

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Suite du précédent

 

Lumière blanche, blafarde et inquiétante cependant. Nous sommes loin du caractère apaisé que l’on trouve dans le lever du Jour de Daphnis et Chloé, après l’ascension de l’orchestre. (Cet exemple est donné en annexe).
Nous verrons plus loin de quelle manière ce thème B apparaît à la fin du concerto pour la conclusion de l’oeuvre.
Au moment de l’apparition de ce thème B aux trompettes, les accords changent. Les bariolages par exemple donnent à entendre un balancement entre un accord de sol mineur avec 9eme ajoutée et un accord de la mineur. L’esprit est bien entendu toujours modal.

 

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Une curiosité tout de même que ces arpèges en bariolages. Il est en effet rare d’en trouver dans les parties d’orchestre car ils sont en général réservés aux solistes. (On peut penser par exemple à la reprise du thème A à la fin de la cadence de soliste du premier mouvement du concerto de Mendelssohn).  Les bariolages correspondent ici à la recherche d’une masse sonore.

A la fin de cette introduction nous nous retrouvons sur un accord en tutti. Accord de la avec quarte et septième mineure. Toujours sur basse mi. Les notes de cet accord seraient en fait l’accord en quartes mi la ré sol entendu au début de la pièce aux contrebasses (cordes à vide), et redistribué ici à tout l’orchestre.

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Suite de l’analyse à l’article suivant.

Commentaire du concerto pour la main gauche de Ravel. (Seconde partie).

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A partir du chiffre 2, l’orchestre va se constituer peu à peu, grâce à un motif ascendant issu du thème A joué par les contrebasses 2 et le contrebasson, cependant que les contrebasses 1 continuent d’arpéger les accords en sextolets de doubles. Noter également l’entrée de la clarinette en la, qui va dans la page suivante reprendre le motif du contrebasson. Voici donc l’exposé du thème B aux cors et le début de la montée d’orchestre.

intro tutti th B.jpg

Ce même motif va être repris successivement et en ascension par les doublures suivantes : cors-altos, violons 2 clarinette, violons 1 ottavino.

L’aboutissement de cette ascension nous amène au chiffre 3 à une cellule répétitive joué aux violons 1, clarinettes et piccolo.

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En soutient à ce motif, un mi joué par les contrebasses 2, la timbale, basson et contrebasson. Noter que toute l’introduction se déroule sur une pédale de mi, (second degré de la tonalité principale ré), cela jusqu’à l’entrée du piano.

Au chiffre 3 également, des bariolages joués par les violons 2 et les altos, sur l’accord de la majeur, (5eme de ré bien entendu), en balancement avec un accord de sol avec 9eme ajoutée. Il s’agirait pour l’échelle utilisée d’un mode de sol transposé sur la. (Mode Myxolydien).

Ces bariolages sont directement issus des sextolets de contrebasses du début, et ils sont initiés tous d’abord par les violoncelles puis les altos, quatre mesures avant le chiffre 3.

bariolages 1.jpg

La montée vers le chiffre 3 va permettre de mener le thème B des ténèbres vers la lumière, de nouveau joué par les cuivres. Voici donc le motif obstiné en superposition avec ce thème B :

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C’est donc avec une grande intelligence que Ravel conçoit sa musique. Ce thème B qui sera l’un des personnages principaux de tout le concerto va revêtir tout au long de l’oeuvre différents caractères, et cela dès le début.

Pour un commentaire du Concerto pour la main gauche de Maurice Ravel. (Première partie). Partition de référence: Concerto pour la main gauche pour piano et orchestre éditions Durand.

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Le concerto pour la main gauche de Maurice Ravel

Quelques citations.

« Dans une œuvre de cette nature, il est indispensable que la texture ne donne pas l’impression d’être plus mince que celle d’une partie écrite pour les deux mains. Aussi ai-je recouru à un style qui est bien plus proche de celui, volontiers imposant, des concertos traditionnels. Après une première partie empreinte de cet esprit apparaît un épisode dans le caractère d’une improvisation qui donne lieu à une musique de jazz. Ce n’est que par la suite qu’on se rendra compte que l’épisode en style jazz est construit, en réalité, sur les thèmes de la première partie. »

Maurice Ravel, cité dans le Daily Telegraph du 11 juillet 1931

« À deux mains le chant et l’accompagnement se jouxtent, se juxtaposent, se pénètrent parfois, mais en conservant leur dualité d’origine; ici les deux émergent du même moule […]. Par ailleurs, c’est au pouce qu’est dévolu le rôle principal dans l’expression mélodique. Bien épaulé par le bloc des autres doigts, il va, par le jeu latéral du poignet et celui de sa musculature propre, s’imprimer profondément dans le clavier avec une qualité de pénétration qui n’est qu’à lui. »

Marguerite Long, Au piano avec Maurice Ravel, Paris, 1971

« Tout ici est grandiose, monumental, à l’échelle des horizons flamboyants, des monstrueux holocaustes où se consument les corps et s’engloutit l’esprit, des vastes troupeaux humains grimaçant de souffrance et d’angoisse. Et cette fresque colossale, aux dimensions d’un univers calciné, ce sont les cinq doigts de la main senestre, reine des mauvais présages, qui vont en brosser les âpres reliefs. »

Marguerite Long, Au piano avec Maurice Ravel, Paris, 1971

« Cela me prend toujours du temps d’entrer dans une musique difficile. Je suppose que Ravel en fut très déçu et j’en fus navré. Mais on ne m’a jamais appris à faire semblant. Ce n’est que plus tard, après avoir étudié le concerto pendant des mois, que je commençai à en être fasciné et que je réalisai de quelle grande œuvre il s’agissait. »

Cité dans La musique pour piano de Maurice Ravel, New York, 1967. Paul Wittgenstein, dédicataire de l’oeuvre.

Le concerto pour la main gauche est considéré à juste titre comme l’une des oeuvres les plus marquantes du 20eme siècle. Il s’agit d’une musique tourmentée, mouvante, tout en contrastes qui allie la noirceur à une lumière souvent blafarde et qui correspond à une époque où le monde s’apprête à replonger dans le désastre, à l’orée des années 30. L’oeuvre est en effet composée entre 1929 et 1931. Il faut savoir que Ravel avait été profondément marqué par la guerre de 14-18 et cela s’est ressenti dans certaines de ses oeuvres dont ce concerto.

En plusieurs chapitres, sera tentée une analyse approfondie de cette œuvre, en fonction de son écriture, sa thématique, son orchestration et son caractère.

Tout va commencer dans les ténèbres de l’orchestre, par une sorte de magma sonore fait de notes tenues par les violoncelles et contrebasses 2 agrémentées d’un motif tournoyant en sextolets de doubles croches joué sur les cordes à vide par les contrebasses 1. Les notes importantes sont ici le mi, le la et le ré.

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Survient alors sur la levée de la troisième mesure le premier thème. Joué par le contrebasson, ce thème d’une très grande beauté plastique s’étire sur six mesures, en insistant sur les rythmes pointés. Il est constitué d’une première période montant vers un point culminant (le fa dièse, suivi du sol à la mesure 4) au moyen d’une gamme brisée puis d’un arpège de l’accord de mi mineur, avant de rechuter dans l’extrême grave au chiffre 1 grâce à l’arpège sol mi si et à l’appui sur la note la pour remonter enfin grâce à un arpège de l’accord de do majeur. Il se termine sur la note si bémol. Henri Gill-Marchex a associé ce thème A à une lente sarabande, du fait de la mesure à trois temps et de son caractère de marche noble.

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Les notes pivots de ce thème sont le mi (second degré de ré) et le la (5eme degré de ré). L’ascension vers le point culminant mesure 4 se fait sur un accord de mi mineur avec neuvième mi-sol-si-fa dièse. Le do de la mesure 6 serait à considérer comme une cadence V-VI (si-do) en tonalité de mi mineur. Ce do permet de monter sur un arpège de do 7eme de dominante do-mi-sol-si bémol. Cette dernière note du thème, le si  bémol, est reprise par les cors en octaves parallèles, ce qui permet par une sorte de fondu enchaîné de faire entendre immédiatement un second thème, une mesure après le chiffre 1.

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Ce second thème va amener un peu de couleur dans cette noirceur initiale, en un merveilleux passage qui pourrait évoquer la naissance d’un monde. Mais un monde quelque peu inquiétant. La suite de l’oeuvre confirmera cette inquiétude ici sous-jacente. Cette seconde idée réapparaîtra tout au long de l’oeuvre sous différents visages, mais inchangée mélodiquement. Elle pourrait se rapprocher de l’idée fixe que l’on trouve dans la Symphonie Fantastique d’Hector Berlioz. Le premier thème nous le verrons sera utilisé dans les moments où la musique monte vers un climax.

Analyse de la fugue en ut mineur de Mozart (fin)

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La fin de cette fugue est marquée par un caractère très dynamique donné par des batteries de doubles croches, véritable machine rythmique qui soutient mes 110 l’apparition du miroir de S en strettes. Cela est suivi d’une phrase ascendante issue de C, jouée en octaves parallèles par les deux pupitres de violons.
Les cinq dernières mesures donnent à entendre le sujet aux basses et altos un peu transformé ainsi que son inverse en strettes joué par les violons en octaves.
C’est dans les dernières mesures que l’on peut mesurer de manière très évidente la différence fondamentale entre langage classique et langage baroque. De 106 à 119, nous entendons une musique dans laquelle le caractère spéculatif semble soudain mis de coté au profit d’une écriture essentiellement dramatique. Deux exemples peuvent illustrer ce propos : les deux pupitres de violons en octaves, inconcevables dans l’esthétique de Bach, qui exposent d’ailleurs de manière ascendante le conséquent du sujet, et ces batteries de doubles croches, qui entraînent de manière irrésistible la pièce vers l’accord final.

Voici la partition de la fin de la pièce. Y sont précisées les entrées des différentes voix ainsi que les éléments du discours.

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Mozart semble à la fin revendiquer les apports de l’écriture classique.

En recherchant l’effet produit, en terminant sa pièce de manière extrêmement théâtrale et en couplant les instruments en octaves, ce qui doit être considéré plus comme un effet orchestral qu’une recherche sur l’écriture, le compositeur est plus proche de l’opéra que de l’Art de la fugue ou de l’Offrande musicale, ces deux oeuvres spéculatives du maître Bach. Mozart mélange ici la science de l’écriture contrapuntique, qu’il maîtrise parfaitement à l’expression du sentiment dramatique, renforcé d’ailleurs par la tonalité de do mineur.

Quelques mesures suffisent donc à apprécier la différence de langage entre deux compositeurs, à la fois proches dans l’histoire de la musique et loin dans leur conception de l’écriture. La fugue est un ici bon creuset pour constater ce changement de style. Ce procédé de composition perdure à travers les époques. Ce sont les styles qui évoluent à travers lui.

Analyse de la fugue en ut mineur de Mozart (quatrième partie). Le nombre d’or.

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C’est à la mesure 73 que se trouvent superposés de manière symétrique le sujet et son inverse. Par rapport au nombre global de mesures de cette fugue (119), ce passage correspond au nombre d’or. (119 divisé par 1,618 égale en effet 73,5). Il n’est pas exclu que ce fait soit une réelle volonté du compositeur, surtout quand on connaît l’aspect spéculatif de l’écriture fuguée, ainsi que la fascination de Mozart pour les nombres.
Cette superposition de S et son inverse va être contrepointée par les basses et altos sur le motif B du CS. Les deux motifs sont de nouveau superposés en fa mes 77 aux basses et altos en contrepoint avec les deux pupitres de violons sur un autre élément issu du CS. (Mes 79-80). Idem en fa puis en la bémol.

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Ceci va mener mes 82 à un passage complexe dans lequel Mozart expose S et son inverse, dans la tonalité de fa aux deux pupitres de violons ceci en contrepoint avec le contresujet aux basses. La suite donne à entendre le sujet et son inverse en sol présenté en strettes.

Puis réapparaît le sujet aux basses, immédiatement suivi d’une réponse en sol au violon 1 puis à l’alto.

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Mes 99 : bref divertissement sur des phrases ascendantes et descendantes en doubles croches mêlées au motif du CS et qui amène logiquement mes 103 à la dernière exposition de l’antécédent de S en strettes mêlé au motif rythmique du CS.